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par rapport à certains propos, certaines effusions qu’Adeline, précisément, ne s’interdisait
pas de provoquer avec leurs maris respectifs. Elle s’était demandée quel était le jeu
d’Adeline et si ses autres amies avaient le même ressenti qu’elle même.
Bien qu’un pressant besoin d’échanger mettait les trois épouses sur un grill dont
elle se seraient bien passées, il leur était difficile d’aborder leurs ressentis respectifs sans
être obligées de tomber un masque de circonstance, celui dont elles s’affublaient
précisément pendant leurs soirées amicales mais trop mondaines pour initier la
spontanéité dans leurs échanges.
Les trois amies à présent se dévisageaient dans leur wagon, scrutant sur l’une ou
l’autre un indice qui puisse soit les rassurer soir leur permettre de découvrir le pot aux
roses. Mais chacune d’entre elles semblait aussi perdue ou à tout le moins perplexe et se
gardait d’orienter la conversation.
Subitement Roselyne demanda où menait ce train. Marie, ne comprenant pas bien
que l’on puisse monter dans un transport sans connaître sa destination, lui répondit que le
trajet était entre Saint-Malo et Rennes. Les six mains, tour à tour, se tordaient dans un
douloureux concert de questionnement et la sueur, subrepticement, déposait ses larmes
sur les fronts enfiévrés.
Elles se remémoraient les semaines, les mois écoulés en tentant de percevoir si un
événement passé inaperçu permettait de justifier la situation présente. Aucune ne trouvait
un lien significatif ou alors beaucoup de souvenirs devaient être réajustés par rapport à
cette catapulte reçue qu’avait été la lettre d’Adeline.
Jennifer revoyait les vacances de l’été dernier à Bénodet dans la résidence
secondaire d’Adeline et son sourire éclatant, lorsque à la proue du voilier qui les menait
aux Glénans, celle-ci exhibait insolemment son corps bronzé et athlétique. Le mari de
Jennifer avait été enchanté de cette navigation côtière de quelques jours en Bretagne sud.
Se pouvait-il que ce soit la présence d’Adeline qui précisément l’avait ainsi mis en joie ?
Roselyne repensait à une discussion pénible qu’elle avait eue il y a quelques
semaines avec son mari. Ce dernier se plaignait de l’humeur maussade de sa femme qui
semblait pourtant comblée matériellement et affectivement et avait fait un parallèle avec la

