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enfants  capricieux  ou  ingrats,  en  petites  bourgeoises  sûres  de  leur  confort  de  vie  et

            pénétrées de leur hautaine suffisance. Un sentiment d’injustice avait ainsi germé dans son
            esprit et elle conçut le projet de faire une petite leçon à ses amies, afin de bien leur faire

            toucher du doigt l’ineffable chance qu’elles avaient dans leur mariage.



                    Adeline finit par s’excuser d’un tel stratagème qui n’était pas forcément digne de la

            confiance qu’elle plaçait envers ses amies mais elle leur confia in fine que sa conduite
            avait été initiée à la suite du visionnage récent d’un film de Joseph Mankiewicz, intitulé

            «  Chaînes  conjugales  »  de  1949,  qui  l’avait  particulièrement  intéressée  et  qu’elle
            conseillait de regarder afin de comprendre la signification complète de sa mise en scène.




                    Comme elle s’aperçut que ses trois amies l’interrogeaient du regard et semblaient
            ne pas connaître cette œuvre américaine d’après-guerre elle leur dit aussitôt : « Vous ne

            connaissez peut-être pas ce vieux film mais je vais vous en dire deux mots ». Elle leur

            expliqua donc l’argument de départ de ce brillant chef d’oeuvre qui remporta l’Oscar du
            meilleur réalisateur et celui du meilleur scénario en 1949 : Alors que trois amies sont sur le

            point  d’embarquer  sur  un  bateau  pour  un  picnic  champêtre  et  qu’elles  attendent  leur
            quatrième  amie Adie  Ross,  celle-ci  leur  fait  porter  une  lettre  dans  laquelle  elle  leur  dit

            adieu  et  leur  annonce  qu’elle  part  avec  le  mari  de  l’une  d’entre  elles…mais  laquelle  ?
            Pendant la promenade chacune s’interroge pour savoir s’il s’agit du sien.




                    Jennifer, Roselyne et Marie étaient sidérées d’une telle effronterie mais en même
            temps elles devaient chacune dans leur for intérieur admettre que c’était bien joué de la

            part d’Adeline et que la leçon, bien qu’amère à recevoir, était assez salutaire puisqu’elles

            leur ouvrait les yeux sur la possible vulnérabilité de leurs maris mais avant tout sur leur
            égoïsme bourgeois et convenu de femme satisfaite.



                    Adeline  ajouta  enfin  qu’elle  avait  certes  forcé  la  mesure,  récemment,  en  faisant

            mine de séduire les maris respectifs de ses amies mais que cela faisait partie de son plan,
            libre à chacune de déployer ses talents pour remettre en ordre leur ménage et dissuader

            leurs époux de succomber aux sirènes incertaines de l’infidélité.
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