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-   Encore ! Hier déjà.
                      -   On en a bien pour une heure.

                      -   Minimum.
                      -   C’est mort pour ma correspondance.

                      -   On ne saura jamais à qui c’était de toute façon.

                      -   Il faut payer c’est pourquoi
                      On entend alors un coup de feu assourdi, bref et précis. Aussitôt le périmètre de

               sécurité se rompt, les portes coulissent, les mouvements reprennent, délivrés. La gare entière
               renaît, de nouveau les annonces des hauts parleurs précipitent les uns et les autres de tous

               côtés, les écrans départs et arrivées semblent plus vifs. Au centre exact de la salle, sur une

               estrade, circulaire également, un jeune homme au piano joue une petite Walz de Schubert, très
               fine, très nette. Une fillette a posé sa joue sur le clavier, suce son pouce, fixe avec force le

               pianiste de passage. Elle reste là un moment, hypnotisée par le mouvement incessant des
               grandes portes de verre silencieuses, qui s’ouvrent, marquent un temps, se referment, au

               rythme ralenti de la musique, et finit par céder à cet appel.

                      La place de la gare est déserte maintenant, c’est la brune, les réverbères s’allument les
               uns après les autres. Elle marche mécaniquement, prend à gauche la rue Guillaume Tell qui

               monte un peu fort, à droite la rue des Perrières, puis de nouveau à gauche, rue Bénigne
               Fremyot, aborde par le biais la belle avenue. Sans même regarder le numéro, elle reconnaît

               l’immeuble, fait le code, entre, et dans le sas d’entrée, appuie d’instinct sur le bouton, tout en
               bas au milieu.

                      -   Une voix d’aéroport : Appel en cours.

                      -   Une voix un peu rauque : Oui, qui est-ce ?
                      -   C’est moi.

                      -   Oui, qui ?
                      -   Jeannine

                      -   Jeannine ?
                      -   Oui, Jeannine.

                      -   Monte vite

                      La serrure grésille, elle pousse, néglige l’ascenseur, monte calmement les trois étages.
               Monique attend sur le seuil, la fait entrer. Marie-Claire apparaît. Et d’une même voix les deux

               sœurs :

                      -   Mais que fais-tu là ? Tu n’es pas partie ?
                      Elle répond d’un regard et d’un mouvement de lèvres.

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