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— Bah non, y’a pas beaucoup de trans et je n’imagine pas ne fréquenter que des trans. Je veux
vivre normalement. C’est pas vraiment ça le problème. Quand on est comme moi pas bien dans
son genre, le problème c’est les autres, comment ils te voient. Il faudrait que les autres me
reconnaissent comme homme. Et ça c’est pas gagné.
— Hmm …
— Y’a autre chose qui me bloque. Je doute encore. J’ai vu plein de témoignages de trans sur
internet. Tous le savaient depuis l’enfance, ou au moins l’adolescence, refusaient de s’habiller en
fille, portaient pantalons, sweats, baskets, cheveux très courts, coupe masculine, tous étaient des
garçons manqués et s’en sortaient comme ça. Moi pas du tout. J’ai eu des angoisses à la puberté,
je refusais l’évolution de mon corps mais je ne savais pas ce que j’avais, je croyais que c’était la
nostalgie de l’enfance, le refus de grandir. Je n’ai jamais refusé les habits de fille, ni eu envie
d’envoyer des tapes dans le dos à mes amis.
— Je ne suis pas psy mais il me semble que tu as une mauvaise représentation du masculin.
Laisse tomber les clichés sur les genres, masculin, féminin. Tu ne décides pas d’être homme ou
femme. Tu es ce que tu ressens, ça ne se décide pas en fonction de critères objectifs qui
définiraient le genre. Tu as dit que tu te sentais homme, c’est pas ça l’important ?
— Hmm…
Un long silence s’ensuivit qu’il respecta. Puis Mathilde reprit la parole,
— On s’est pas présentés. Mathilde, je termine mes études à Centrale Lyon.
— Victor, journaliste.
Ils parlèrent ensuite des études, de sport, de cinéma, de musique. Ils parlèrent comme de vieux
amis. Ils échangèrent leur numéro de téléphone et s’embrassèrent avant de se quitter à l’entrée du
métro. Dans le train pour Lyon, Mathilde s’endormit, la musique dans les oreilles, très vite.
Elle fit la connaissance de la femme de Victor et une amitié se noua entre eux trois. Petit à petit la
révélation qu’elle pouvait être un homme sans correspondre à tous les clichés du genre faisait son
chemin.
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