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N° 38
                                                     La méprise






                      Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles

               qu’elle  avait considérées comme ses  amies.  Un  malaise persistait en elle. Ses
               pensées furent interrompues par l’arrivée du train. La porte s’ouvrit, elle mit un pied

               sur la première marche, leva la tête et s’arrêta brusquement.
               Devant  elle se tenait  un  milicien. Elle n’osait plus  bouger. Mais il fallait  donner le

               change, rapidement. Elle se força à afficher un sourire et elle enchaîna :

                      -      J’ai cru voir mon cousin tellement vous  lui ressemblez ! Mais il  est à
                      Marseille ! Il a les mêmes yeux que vous !

               Le milicien la jaugeait. Elle devait avoir seize ans, peut-être même un peu moins. Joli
               brin de fille.

                      -      Et vous allez où comme ça ?

                      -      Ben justement, chez mon cousin, pour les vacances. Maman a trop à
                      faire ici. Nous avons des Allemands à la ferme mais elle ne veut pas que je

                      l’aide. Elle m’envoie chez ma tante respirer l’air de la Méditerranée.
               Elle s’aperçut qu’elle parlait un peu vite et s’arrêta en souriant. Puis elle reprit sur un

               ton ennuyé :

                      -      Et puis Maman  espère que mon cousin me fera réviser les
                      mathématiques. Il a déjà eu son baccalauréat et …

               Le Milicien l’interrompit pour montrer que c’était lui qui menait l’échange.
                      -      Bon, montrez-moi vos papiers.

               Elle s’exécuta sans trembler en espérant que la photo ne la trahirait pas.
                      -      Brigitte Garnier … née le six août 1928 à Bourg en Bresse. Votre père

                      vous laisse voyager seule alors que vous n’avez pas 15 ans ? Le danger est

                      partout, Mademoiselle.
               Il appuya sur le  dernier mot. A  présent, il la regardait  avec une  expression

               gourmande.











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