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yeux  des  gens. Cette peur qui la réveille toujours  en sursaut ici la nuit. Cauchemars
            peuplés d'images  d'apocalypse, de ruines, de désolation, cauchemars traversés de

            zombies,  de morts-vivants à casquettes. Des hommes  peut  être ? Soldats en  treillis ,
            petits vieux, fantômes égarés dans ce qu'il reste de ce pays autrefois si accueillant. C'est

            à dire rien...


            Maintenant Alevtina regarde la mer. Plus loin encore. L'horizon...

            Seulement trente printemps mais avec déjà le poids de la barbarie sur les épaules elle
            lutte contre les démons de la vieillesse. Ses amies accueillantes et chaleureuses du pays

            Bigouden, son copain Nicolas de Pont l'abbé, ont beau lui dire qu'elle est belle comme le

            jour, que l'avenir lui appartient, rien n'y fait. Nicolas, timide et touchant, peut lui déclarer,
            quand ils sont seuls, qu'avec sa taille fine, ses cheveux blonds ondulés, son teint de lys et

            de rose, sa  petite  bouche vermeille, ses lignes régulières,  ses longs yeux noirs
            ensorceleurs, qu'elle est sa Muse, cela ne suffit pas à Alevtina pour chasser le maléfice

            qu'elle croit toujours incarner. Elle porte en elle les ravages de la guerre et la folie des

            hommes. La nuit elle transpire l'angoisse : sueurs froides, nœud au creux de l'estomac.
            Elle voit des  tanks sur une terre rouge  de  douleur et de sang,  une terre  poussiéreuse

            craquelée, crevassée, sous un ciel lugubre. Sa terre: l'Ukraine. Autrefois grenier du Monde
            avec champs de blé, aujourd'hui Verdun nouveau avec champs de mines...


            Ici, dans le ciel du bout de la terre tout est calme. Un léger nuage blanc se déplace. Un de

            ces nuages graciles et gracieux qui n'apparaissent que dans un ciel bleu. Et qui bouge

            sans même que l'on s'en aperçoive. Un nuage fin. Tout le contraire d'un gros nuage noir
            menaçant, annonciateur de pluies certaines, de vents mauvais, ou de tempêtes

            imminentes. Ces nuages noirs là sont désormais tous rassemblés dans la tête  d'Alevtina.
            Pour longtemps sans doute...


            Dans le bistrot de Pen Losquer, depuis un long moment il la regarde déguster son thé et

            médite sur sa blancheur radieuse. Elle n'a pas le teint halé de ses copines bigoudènes


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