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Bien que depuis cet été à Saint Petersbourg, les quatre jeunes filles aient beaucoup voyagé ensemble,
qu’il s’agisse de vacances ou pour des concerts, Héléna comprit tout de suite duquel il s’agissait;
“ Bien sûr, quelle chance ce fut pour nous !” En effet, durant trois semaines ce fut une explosion de
rencontres et de magnifiques découvertes . Les quatre amies particulièrement douées s’en revinrent en
France quasiment bilingues. Héléna, la plus férue de peintures, gardait toujours en tête cette
majestuseuse façade bleu émeraude du musée de l’Hermitage qui abritait tant d’oeuvres de ses peintres
préférés, les Impressionistes. Mais l’instant magique de ce périple fut le concert donné avec Anton.
Elles l’avaient rencontré trois jours avant la prestation qui devait avoir lieu dans la magnifique demeure
de ses parents. Le jeune homme était dans toute la splendeur de ses vingt ans et elles furent totalement
éblouies par sa beauté. Ses longs cheveux blonds couraient en cascade encadrant un visage fin et
volontaire dont se dégageait déjà une forte assurance . Très intimidées , il les mit tout de suite à l’aise
avec une plaisanterie en français qu’il dominait parfaitement. Clarisse, la plus exhubérante du groupe,
partit d’un si grand éclat de rire que la glace fut immédiatement brisée. Anton s’enquerra du mariage de
notre Président avec Carla Bruni dont il avait apprécié la ritournelle “ Quelque chose me dit
“ Gabrielle , toujours friande d’infos sur ce pays qu’elle aimait tant , s’inquiéta :” sais tu ce qui se passe
entre la Russie et la Géorgie en Ossétie ?” . En ce début juillet 2008 on pressentait déjà que des
évènements graves allaient advenir . Le visage d’Anton se ferma et en russe, son expression ne laissant
guère de place à la discussion, il répliqua:” Allons, tu n’es pas là pour parler politique “. Après un court
silence pesant il proposa un verre d’orangeade avant de commencer la répétition.
Celle ci se passa dans une salle de musique bardée de tableaux selon “l’accrochage petersbourgeois”.
D’autorité Anton plaça les jeunes filles , imprima le tempo et la musique résonna magiquement. Avec
tact il arrêtait quelquefois le mouvement pour suggérer un élan ou une nuance. Il s’adressait à chacune
avec une extrême politesse mais il parut évident que ses interventions concernant Marig étaient toutes
empreintes d’une douceur particulière. Ce fut un pur bonheur musical.
Le lendemain il y eut une générale qui ne posa aucun problème et vint le soir du concert . La musique
fut intense, lumineuse.Vers la fin de la pièce , dans cet adagio si profond que certains spectateurs des
premiers rangs essayaient de ravaler leurs larmes, Marig, totalement libérée derrière son violoncelle,
appuyait fortement son regard vers Anton qui lui faisait face. Celui ci entièrement absorbé par la
musique , l’ignorait. Ce n’est que dans le final, plus joyeux, qu’il adressa un léger sourire à chacune des
jeunes filles et que Marig crut déceler un éclat plus brillant quand il la fixa dans les yeux. Les
applaudissements furent nourris. M Komkanov, entousiaste, serra tour à tour ses élèves dans ses bras.
Les spectateurs des premiers rangs, manifestement des amateurs éclairés, vinrent féliciter les interprétes
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