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N° 30
Le voyage de Philomène
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle avait
considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle. Ses pensées furent
interrompues par l’arrivée du train.
La porte s'ouvrit, elle mit un pied sur la première marche, leva la tête et s'arrêta
brusquement. Elle venait d'apercevoir William, son William, assis avec une autre dans le
train.
Alors, la douleur se réveilla. Cette douleur qu'elle essayait d'enfouir en elle, en se répétant
sans cesse que puisqu'elle ne savait pas, elle ne devait pas croire... Ni penser...
Mais William, ici, avec cette autre femme... N'était-ce pas la preuve que...
Philomène était arrivée cinq jours auparavant, de Brest, par le train du matin.
C'était l'été, il faisait beau, déjà, malgré l'heure matinale. Philomène avait revêtu un
chemisier de coton léger, aux courtes manches, et un short qui laissait voir ses longues
jambes encore peu hâlées. Posé un large chapeau de paille cerclé d'un ruban rouge sur
ses cheveux courts et châtains. Elle n'avait pas encore pris le temps de profiter du soleil,
du farniente !
La jeune institutrice avait rendez-vous avec ses quatre amies de jeunesse ; la vie, les
occupations de chacune ne leur permettaient pas de se voir si souvent, toutes ensemble :
elle, Margot, Julie, Jacqueline et Mauricette. C'est à Plobannalec-Lesconil qu'elles avaient
décidé de se retrouver, parce que c'est là que Julie vivait, et qu'elle ne pouvait pas
s'absenter. Le mari de Julie y était pêcheur, et il avait besoin de sa femme pour s'occuper
du retour de pêche ; pas de répit pour la femme de pêcheur !
Toutefois, c'était l'année de leurs 30 ans, elles avaient décidé de s'offrir une semaine de
pause dans leurs vies.
Elle avait retrouvé ses amies dans un camping. Elles avaient été tellement heureuses de
se retrouver !
Julie serait là en pointillés, lorsque le débarquement du fileyeur ne l’appellerait pas ;
Margot, fleuriste à Quimper avait posé une semaine de vacances ; Jacqueline, la presque-
locale, avait fermé son café, elle qui ne prenait jamais de vacances ; Mauricette était
descendue de Brest, et s'offrait une respiration, dans ses études à rallonge ; elle terminait
sa dernière année de médecine...
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