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L’ÉLUE


              Après  l’avoir  saisie  par  les  quatre  membres,  ils  étaient  tant  bien  que  mal  parvenus  à  la

           hisser à l’étage. Là, ils l’avaient jetée sur le lit de la chambre de réserve où, chacun, à tour de
           rôle, lui avait fait son affaire, comme les y encourageaient vivement les voix en provenance de

           la salle de séjour. Durant tout son calvaire, elle ne s’était jamais débattue, avait constamment
           fermé  les  yeux  tout  en  se  mordant  les  lèvres  et,  surtout,  avait  évité  d’émettre  la  moindre

           plainte, de peur d’exacerber l’excitation tant de ses deux agresseurs que de leurs groupies qui
           gloussaient à l’étage inférieur. Elle avait dû sombrer dans l’inconscience car, lorsqu’elle avait

           recouvré  ses  esprits,  ses  deux  bourreaux  étaient  enchevêtrés  au  pied  du  lit,  paisiblement

           endormis, exhalant les vapeurs nauséabondes des mélanges ingurgités.
              « Vos  soi-disant  amies  ont  filmé  toute  la  scène  puis  l’ont  répandue  sur  les  réseaux

           sociaux »,  souffla  le  gendarme,  après  avoir  stoppé  la  vidéo  et  lui  avoir  accordé  quelques
           secondes de répit.

              Elle avait la tête baissée et enserrée de ses poings lorsqu’il lui posa une main lénifiante sur
           l’épaule.

              « Rassurez-vous, à cette heure un de mes collègues expert en cybercriminalité a déjà tout

           effacé. Là ne sont que des copies. C’est grâce à elles que j’ai pu remonter jusqu’à vous. Et
           bien sûr au fait que nous nous soyons fortuitement, et opportunément, croisés. Si vous étiez

           montée dans une autre voiture, je ne serais pas là et vous probablement en route pour être

           présentée à un juge d’instruction…
              — Et maintenant ? susurra-t-elle.

              — Après  le  pourquoi,  je  voudrais  que  vous  me  confirmiez  le  comment.  Vous  avez
           ouvert les robinets de la gazinière avant de mettre les voiles… C’est ça ? »

              Ses yeux clignèrent.
              « Et vous avez laissé à la première étincelle ou flamme l’opportunité de faire le boulot ; un

           interrupteur que l’on actionne ou un briquet que l’on allume, par exemple… Et boom ! »

              Elle acquiesça d’un hochement de tête.
              « En considérant l’heure de départ du train, reprit-il, celle du pseudo-accident et la proximité

           de la maison avec la voie ferrée, vous deviez être aux premières loges. »
              Elle baissa la tête. Alors qu’une nouvelle fois elle regrettait de s’être assoupie, derrière le

           vide de son regard elle s’inventait la séquence qu’elle avait manquée : le souffle d’une énorme
           boule de feu suivi d’un nuage de débris, de poussière, d’os et de sang. Le tout enveloppé d’un

           grondement apocalyptique.

              « Que saviez-vous de votre amie Mégane ? »
              Elle le regarda avec une moue dubitative.


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