Page 185 - tmp
P. 185
L’ÉLUE
Elle pivota légèrement la tête, leva un œil intrigué, puis, reconnaissant l’uniforme, se releva
d’un coup, son cœur faisant un bond dans sa poitrine. Si dans son esprit planait encore un
léger doute quant au son de la voix, le téléphone qu’il faisait passer ostensiblement d’une
main à l’autre eut pour elle une signification des plus claires.
« Désolé de vous avoir fait peur, s’excusa-t-il. Vous me remettez ? »
Elle l’observa un instant puis secoua négativement la tête.
« Je m’en doutais un peu. Vous observiez vos pieds lorsque je suis passé devant vous. A
priori, j’ai pensé que vous esquiviez le regard insistant de mon collègue par pure timidité. A
posteriori, je comprends pourquoi... »
Elle opina en silence. Pour une raison qui lui échappait, ses alarmes internes s’étaient tues
et son rythme cardiaque s’était apaisé. Paradoxalement, le fait qu’il sache la soulageait.
« Car nous savons tous les deux que ce n’était pas un accident. N’est-ce pas ? »
Il se racla la gorge puis posa une main empathique sur l’avant bras de la jeune fille qu’il
sentit aussitôt se raidir.
« Et je sais aussi pourquoi vous l’avez fait. »
Face à l’incompréhension qu’il lut dans le regard de l’adolescente, il déverrouilla son
portable et tapota quelques mots dans la barre de recherche de Google.
« Saviez-vous que vos amies fréquentaient assidûment les réseaux sociaux ? »
Sans attendre la réponse, le gendarme plaça l’écran face à elle et fit défiler des pages
entières d’écriture.
« Sur celui-ci, elles se payaient régulièrement la tête d’élèves et de professeurs, sans
jamais les désigner nommément mais que chacun pouvait, je l’imagine, identifier à sa guise
pour peu qu’il fréquentât le lycée et s’intéressât à leurs posts. »
Après quelques manipulations supplémentaires il ouvrit une seconde application.
« C’est grâce à ceci que j’ai su pour… » Après un temps d’hésitation et un regard
compatissant envers sa voisine, il reprit : « Je vous préviens, ça pourrait vous être difficile à
regarder. »
D’un signe de tête, elle lui donna l’autorisation de poursuivre.
Les premières images la montraient chahutée par deux relous aux mains baladeuses et
passablement éméchés qu’elle parvenait tant bien que mal à repousser. Puis, malgré toute
l’énergie déployée pour les combattre, on la voyait céder sous les assauts répétés des deux
mâles aux regards concupiscents qui, in fine, se ruèrent sur elle.
Elle détourna brusquement les yeux dès qu’elle se vit porter vers l’étage tel un brancard.
Mais, déjà, sa mémoire prenait le relai et lui restituait la fin de son cauchemar.
5

