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L’ÉLUE


              Elle pivota légèrement la tête, leva un œil intrigué, puis, reconnaissant l’uniforme, se releva

           d’un coup, son cœur faisant un bond dans sa poitrine. Si dans son esprit planait encore un
           léger  doute  quant  au  son  de  la  voix,  le  téléphone  qu’il  faisait  passer  ostensiblement  d’une

           main à l’autre eut pour elle une signification des plus claires.
              « Désolé de vous avoir fait peur, s’excusa-t-il. Vous me remettez ? »

              Elle l’observa un instant puis secoua négativement la tête.
              « Je m’en doutais un peu. Vous observiez vos pieds lorsque je suis passé devant vous. A

           priori, j’ai pensé que vous esquiviez le regard insistant de mon collègue par pure timidité. A

           posteriori, je comprends pourquoi... »
              Elle opina en silence. Pour une raison qui lui échappait, ses alarmes internes s’étaient tues

           et son rythme cardiaque s’était apaisé. Paradoxalement, le fait qu’il sache la soulageait.
              « Car nous savons tous les deux que ce n’était pas un accident. N’est-ce pas ? »

              Il se racla la gorge puis posa une main empathique sur l’avant bras de la jeune fille qu’il
           sentit aussitôt se raidir.

              « Et je sais aussi pourquoi vous l’avez fait. »

              Face  à  l’incompréhension  qu’il  lut  dans  le  regard  de  l’adolescente,  il  déverrouilla  son
           portable et tapota quelques mots dans la barre de recherche de Google.

              « Saviez-vous que vos amies fréquentaient assidûment les réseaux sociaux ? »

              Sans  attendre  la  réponse,  le  gendarme  plaça  l’écran  face  à  elle  et  fit  défiler  des  pages
           entières d’écriture.

              « Sur  celui-ci,  elles  se  payaient  régulièrement  la  tête  d’élèves  et  de  professeurs,  sans
           jamais les désigner nommément mais que chacun pouvait, je l’imagine, identifier à sa guise

           pour peu qu’il fréquentât le lycée et s’intéressât à leurs posts. »
              Après quelques manipulations supplémentaires il ouvrit une seconde application.

              « C’est  grâce  à  ceci  que  j’ai  su  pour… »  Après  un  temps  d’hésitation  et  un  regard

           compatissant envers sa voisine, il reprit : « Je vous préviens, ça pourrait vous être difficile à
           regarder. »

              D’un signe de tête, elle lui donna l’autorisation de poursuivre.
              Les  premières  images  la  montraient  chahutée  par  deux  relous  aux  mains  baladeuses  et

           passablement éméchés qu’elle parvenait tant bien  que mal à repousser. Puis, malgré toute
           l’énergie déployée pour les combattre, on la voyait céder sous les assauts répétés des deux

           mâles aux regards concupiscents qui, in fine, se ruèrent sur elle.

              Elle détourna brusquement les yeux dès qu’elle se vit porter vers l’étage tel un brancard.
           Mais, déjà, sa mémoire prenait le relai et lui restituait la fin de son cauchemar.


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