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L’ÉLUE


           l’anniversaire. Quant au lundi, ce devait être rangement et nettoyage, la mère de Mégane se

           fendant d’un nouvel aller-retour pour ramener tout ce petit monde.
              Elle  qui  avait  souhaité  un  peu  d’intimité,  c’est  avec  grand  regret  qu’elles  s’étaient  vu

           imposer  le  partage  d’une  même  chambre,  sous  le  prétexte  de  réserver  la  seconde  à  une
           éventuelle gueule saoule dans l’incapacité de mettre un pied devant l’autre. À cette évocation,

           ponctuée  d’un  clin  d’œil  à  l’endroit  de  ses  deux  comparses,  toutes  trois  s’étaient
           immédiatement tordues de rire.

              En dépit de ses efforts pour ne rien laisser paraître, elle ne s’était jamais vraiment sentie à

           son  aise.  Surtout  depuis  l’épisode  de  la  voiture.  À  plusieurs  reprises,  elle  avait  surpris  des
           chuchotements  en  aparté  ou  avait  été  témoin  d’esclaffements  empreints  d’une  ostensible

           complicité dont elle aurait juré en être la raison. Ainsi, elle avait peu à peu vu se déliter le lien
           amical et affectif qui les unissait et se substituer une ambiance de façade à la joyeuse humeur

           qu’elles partageaient depuis le scellement de leur amitié.
              Le samedi matin, après une nuit perturbée par le ronronnement incessant et lointain de la

           chaudière  à  gaz,  et  surtout  par  sa  quête  d’une  explication  quant  à  cette  soudaine  mise  à

           l’index,  elle  avait  été  saisie  d’un  haut-le-cœur  lorsque  Mégane  avait  allumé  une  cigarette.
           Réglée comme une horloge, elle avait réitérer le désagrément le lendemain à 8h30 pétantes.

              L’arrivée  en  salves  successives,  au  cours  de  la  matinée  du  dimanche,  d’une  dizaine  de

           garçons  et  d’une  demi-douzaine  de  filles  –  tous  inconnus  d’elle  –  avait  répondu  avec  un
           certain  soulagement  à  une  autre  de  ses  interrogations  concernant  les  invités  potentiels.

           Nonobstant  quelques  réticences  préalables,  elle  s’était  progressivement  laissé  porter  par
           l’atmosphère  festive  et  entraînante,  occultant  temporairement  la  contrariété  qui  était  venue

           l’habiter. Ce n’est qu’en début de soirée, après le départ de la plupart des convives, que tout
           avait basculé.



              H-10.  Le  train  s’ébranla.  Dans  un  bâillement,  elle  entrouvrit  les  yeux.  La  gare  glissait
           lentement sur l’arrière tandis que la vitre lui renvoyait le reflet d’un visage défait, auréolé de

           cheveux  en  bataille,  clone  presque  parfait  de  la  jeune  femme  menottée  croisée  plus  tôt.
           Bientôt, l’agitation du quai fit place au calme relatif d’une avenue rectiligne et terne, ponctuée

           de réverbères aux lumières blafardes.
              H-8. La vitesse du TER augmenta sensiblement et la campagne succéda au béton. En dépit

           des  sentiments  contradictoires  qui  la  taraudaient,  elle  gardait  la  tête  froide ;  le  temps  ne

           pouvait être remonté ni les images et les sentiments qu’elle emportait, effacés.




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