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L’ÉLUE


           un  changement  de  comportement  à  son  égard.  Désormais,  dans  les  regards  prévalaient

           jalousie, trouble ou méfiance.
              Les quelques sorties entre filles qui s’étaient succédées lui avait appris à les apprécier et,

           en son for intérieur, avaient contribué à démentir les bruits qui courraient à leur propos. Aussi,
           faisant fi des quelques tentatives de dissuasion dont elle avait été l’objet de la part des plus

           suspicieux, elle avait accepté d’honorer l’invitation.


              Dans sa semi-somnolence, bercée par le ta-tann, ta-tann, ta-tann,… régulier des roues sur

           les rails, elle se mordit inconsciemment les lèvres.


              Ainsi, le vendredi de la Toussaint après la classe et maintes recommandations maternelles,
           elle s’était retrouvée dans le monospace conduit par la mère de Mégane en compagnie de ses

           trois  nouvelles  amies.  Après  un  interminable  trajet  en  immersion  dans  une  atmosphère
           irrespirable  où  les  reproches  incessants  de  Mégane  à  l’endroit  de  celle  qu’elle  nommait  sa

           génitrice – ils allaient de ses piètres talents culinaires à ses goûts de chiottes en matière de

           musique, en passant par la façon ringarde qu’elle avait de se fringuer – étaient entrecoupés de
           silences malsains, la voiture s’était enfin rangée face à une maisonnette en pierre grise fichée

           à flanc de colline, au sommet de laquelle trônait un gigantesque château d’eau recouvert de

           graffs multicolores.
              Après s’être extirpée du carcan de la voiture, d’un coup d’œil circulaire elle avait constaté le

           total isolement dans lequel elles allaient être recluses trois jours et trois nuits durant. À perte
           de  vue,  s’étalait  un  patchwork  de  prairies  et  de  terres  labourées  dépourvu  de  la  moindre

           habitation. Un calme absolu, occasionnellement perturbé par le passage de quelques trains, à
           en juger par la voie ferrée qui s’étirait quelques centaines de mètres en contrebas, régnait sur

           ce no man’s land.

              La maison offrait cependant tout le confort requis. Une grande pièce faisait office de salle à
           manger et salon dans laquelle elle avait aidé la mère de Mégane à entreposer le nécessaire

           au long week-end qui les attendait. Une petite cuisine parfaitement équipée, une salle de bain
           et des toilettes complétaient le rez-de jardin. À l’étage, se trouvaient deux chambres et une

           salle d’eau.
              La première soirée avait été employée au rangement des denrées, accessoires et affaires

           personnelles.  Après  un  rapide  dépoussiérage,  la  journée  du  samedi  avait  été  dédiée  à  la

           préparation de la fête ; agencement, décoration, confection et installation du buffet, choix des
           musiques,…  Celle  du  dimanche  avait  exclusivement  été  consacrée  à  la  célébration  de


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