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N° 26 Parallèles
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle
avait considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle. Ses pensées
furent interrompues par l’arrivée du train. La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la
première marche, leva la tête et s’arrêta brusquement. Sans comprendre vraiment
comment ni surtout pourquoi, elle se retrouva sur le quai, sac à dos bien arrimé et un
autre sac en bandoulière… À l’aller, avant de prendre le train, ce fut un vrai calvaire
que de porter son bagage jusqu’à la gare Montparnasse, à travers les couloirs et les
escaliers du métro au milieu de gens pressés et prompts à vous bousculer pour que
vous accélériez la cadence. Non, elle ne rentrerait pas tout de suite à Paris ! Une
évidence qu’elle avait du mal à s’expliquer. Pour l’instant, se poser – se décharger
aussi de tout son barda – et essayer de comprendre. Elle sortit pour s’éloigner un
peu de la gare d’Angers Saint-Laud. Le café Saint-Martin serait très bien. Ce n’était
pas loin et pourtant ses bagages pesaient sur ses épaules, comprimaient sa poitrine,
l’oppressaient. Elle arriva haletante dans le café et prit place sur une banquette où
elle posa son fardeau.
Elle repensa à ces derniers jours. Elle était arrivée l’âme enjouée à l’idée de passer
ce week-end prolongé avec l’éternelle bande de copines du lycée. À l’époque, eh oui
il y a dix ans déjà, on les appelait la bande des quatre folles, une réputation jamais
démentie pendant leur année de première et surtout de terminale, terminale L dans
un établissement à coloration scientifique. Leur marque de fabrique ? Se démarquer
des autres, qu’elles ignoraient royalement en usant et abusant de la provocation,
quand par exemple un baiser sur la bouche dans les couloirs du lycée rencontrait
des regards choqués et réprobateurs. Leur maxime ? Ne jamais se laisser prendre
en flagrant délit d’élèves sérieuses, ce qui suscitait une étincelle admirative et
envieuse dans l’œil de leurs camarades quand elles récoltaient de bonnes notes,
c’est-à-dire assez souvent, mis à part en maths… À ce cours, il était de bon ton
d’afficher un désintérêt total pour la matière. Le plus souvent, un roman ouvert sur
les genoux, elles feignaient de regarder le tableau et surtout le jeune professeur qui
s’escrimait à leur expliquer le programme. « Les limites », « les repères
orthonormés », très peu pour elles, qui voulaient justement s’émanciper et sortir du
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