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N° 27 Les bijoux de la discorde
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle
avait considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle. Ses pensées furent
interrompues par l’arrivée du train. La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première
marche, leva la tête et s’arrêta brusquement. Solange, partie rapidement du gîte tout à
l’heure, se tenait debout devant elle dans le couloir, un sourire aux lèvres ou plutôt un
rictus. Marie, en posant sa valise sur le sol, agita frénétiquement ses bracelets
multicolores qui pendaient à ses bras.
Elle joua la surprise, mais au fond d’elle, elle s’attendait à la revoir cette compagne
d’une nuit, son ancienne camarade de classe devenue une femme orgueilleuse à ses
yeux : de par son aura, elle dominait désormais le groupe et harcelait l’autre jusqu’à ce
que son innocente victime succombe à sa proie. Au petit matin, vers 06h, honteuse de sa
lâcheté, Marie s’était dépêchée de retrouver les autres et de faire comme si rien ne s’était
passé, mais au lieu des visages amicaux et rieurs, elle découvrit des masques froids et
tristes. Un drame était arrivé plus tôt : le labrador de la maison avait rapporté un chausson
dans la cuisine et, comme il ne cessait de japper, sa patronne, Louise, l’avait suivi vers
l’étang, au bas de la propriété, où elle elle avait aperçu un corps flottant dans l’eau. Elle
avait nagé jusqu’à lui et avait réussi à le ramener sur la berge. C’est là qu’elle avait
reconnu son amie Suzon, morte noyée.
Les quatre occupantes du gîte furent bientôt interrogées par les enquêteurs sur leur
emploi du temps et leurs liens avec la victime. Très vite, le médecin légiste certifia que la
mort n’était pas due à la noyade, mais au coup de poignard violent porté au coeur de la
victime. L’assassin, après son geste fatal, avait porté ou tiré le corps dans l’herbe, puis
l’avait jeté dans l’eau, un sac poubelle autour de la tête pour l’asphyxier. Evidemment,
l’eau ne permettrait pas de retrouver de quelconques empreintes, l’enquête s’avérait donc
difficile. Qui avait donc pu haïr autant Suzon pour vouloir la tuer aussi sauvagement ? Un
différend amoureux ? Une histoire de dette ? Un trafic de drogue ? La Capitaine de
Gendarmerie de Lannion tournait toutes ces questions dans sa tête mais, pour l’instant,
aucun indice n’apportait d’éclairage sur la cause de la mort.
Le week end avait pourtant démarré sous d’heureux auspices pour les cinq amies, pas
de pluie sur cette Côte de Granit Rose, des températures agréables en ce mois de mai et
des copines d’école heureuses de se retrouver entre filles, comme chaque année depuis
cinq ans. Cette fois-ci, c’était Louise qui avait tout organisé : elle avait loué un grand gîte
non loin d’un étang poissonneux, prévu les courses et les repas, réservé les vélos bien
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