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défait. Une frêle mais droite silhouette y était assise et Elise discerna les détails
d’une très vieille femme, aux cheveux immaculés entourant un visage pâle et

marqué, strié de rides nombreuses et profondes. Et au cœur de cette figure, deux
flaques d’eau, fixes, bleutées, dont Elise ne sût au premier regard si elle les qualifiait

d’yeux éteints ou concentrés.

« Julie ? Vous êtes là ?

- Je suis désolée, je ne suis pas

- Je sais, interrompit la vieille femme, vous êtes un peu en retard, n’ayez

crainte, je vous attendais avec plaisir et impatience, je savais que vous viendriez.

Votre grand-mère est mon amie, elle m’a parlé de votre gentillesse et de votre
disponibilité pour vous occuper de vieilles femmes comme moi. Merci de vous être

déplacée. »

Puis elle prit une brève inspiration, comme si ces quelques mots étaient les
premiers depuis longtemps, et qu’elle en avait perdu l’usage.

« J’ai tellement besoin d’un peu de chaleur humaine, je me sens si seule, mon

enfant. Et puis, me faire la lecture, moi qui aime tant les mots et qui ne peux plus lire,
quel bonheur cela va être ! Entendre votre voix, bavarder peut-être, m’apporter un

souffle de la vie de dehors, moi qui ne bouge plus d’ici, quel cadeau ! »

Elise, interloquée face à ce quiproquo, eut un léger vertige. Sa nuit presque
blanche l’avait laissée, à l’ouverture de ses yeux lourds, comme lessivée, usée. Et le

regard qu’elle avait jeté sur la place désormais vide du lit, à côté de la sienne, avait
fini de la décourager. Elle avait pourtant répondu à l’appel, ce matin ; c’était sa

mission, aider, soigner, soulager l’autre de ses blessures. Se dévouer, patiemment.

Résolument. Malgré le reste. Mais où était donc passée sa vocation ?! Et, plus
largement, son envie ?

« Mon enfant, mes yeux ne voient peut-être pas, mais mon regard est vigilant

et je sens un trouble en vous. Vous savez, « on ne voit bien qu’avec le cœur… » Que
se passe-t’il ? Asseyez-vous donc et racontez-moi. »

Elise s’affala presque sur le lit jouxtant le fauteuil et un doux sentiment

d’abandon l’enveloppa. Enfin, une oreille attentive ! A défaut, ou grâce à ce regard

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