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main. Elle soupira et attrapa son portable, délaissant ainsi un vague moment d’évasion. Elle eut
malgré elle le souffle coupé en découvrant le nom affiché sur l’écran. En tremblant légèrement, elle
laissa l’objet retomber dans son sac. Il lui fallait trouver une solution sans plus attendre. Les
résidents du numéro 32 avenue du manoir avaient besoin d’elle. Au plus profond d’elle-même, elle
savait qu’elle n’avait pas le choix. Ils en savaient trop sur elle. C’était elle la psychologue, et
pourtant, elle s’était faite avoir comme une débutante. Ces clients étaient dotés d’une intelligence et
d’une intuition hors norme. Elle n’aurait jamais dû se laisser envoûter par leur accueil si chaleureux,
leur confiance surjouée et surtout, par Jérôme, qui faisait en quelque sorte office de gourou spirituel.
Elle l’avait rencontré pour la première fois il y a tout juste un an. Dynamique, souriant et
charismatique, ce nouveau patient avait été envoyé par Laura, sa meilleure amie. Laura s’était
spécialisée dans les malades auto-immunes, alors que Karen avait fait de sa passion pour les zèbres
son cœur de métier. Il était assez courant que son amie lui envoie des patients et celui-ci faisait donc
suite à une logique de confiance entre les deux femmes.
Jérôme l’avait tout de suite intrigué, pour la simple et bonne raison qu’il ne répondait pas
explicitement au profil type du zèbre. Il lui expliqua assez rapidement qu’il n’était pas ici
spécifiquement pour lui, mais pour une communauté établie juste à côté de Saint-Germain-les-prés.
Il gérait l’intendance et coordonnait l’ensemble des activités, pour s’assurer du bon développement
et de l’épanouissement de chacun. Jusqu’ici, aucun psychologue n’était parvenu à trouver ses
bonnes grâces. Karen se retrouva vite emportée par les événements, et rencontra à de nombreuses
reprises les membres de la communauté. Ils étaient attachants et tous semblaient être fascinés par
l’aura de Jérôme.
Karen frissonna en repensant à leur dernier dîner. Elle se leva à regret, et partit en direction de son
cabinet. Si elle ne se dépêchait pas, elle arriverait en retard pour son prochain rendez-vous.
Les rendez-vous s'enchainèrent tout au long de la journée, lui laissant à peine le temps de déjeuner.
Ce qu'elle aimait le plus dans son métier, c'était qu'elle en apprenait autant sur elle que ses clients
sur eux-mêmes. Cette soif d'évolution était vraiment très addictive et lui permettait de développer
d'autres concepts pour aider les gens déboussolés. Cette pensée la fit revenir dans la réalité : elle
devait à tout prix trouver une idée pour aider les habitants du 32, avenue du manoir.
Jérôme avait fait le plus gros du travail : réunir dans un même immeuble, de nombreux zèbres et
leurs familles afin qu'ils se sentent moins seuls, à proximité d'autres personnes qui se comprennent
entre elles. Cela avait un côté très rassurant pour cette communauté. Cependant, rassembler les gens
ne suffisait pas ! Il fallait développer les activités mais surtout, s'assurer le soutien d'une
psychologue quotidiennement. Sauf qu'attribuer une psychologue à temps plein n'était pas vivable
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