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mémoire : Que faisait-elle là ? Pourquoi  avait-elle été appelée,  et que penser de cet
               appartement  dont l’ameublement, la décoration et les objets étaient d’un autre siècle ?


                      Alors qu’elle allait demander des explications, la jeune femme l’interrompit dans ses

               pensées.

                         -    « Heureusement que depuis le début de ces événements, vous venez une fois par
               semaine me tenir compagnie et m’apporter le réconfort dont j’ai besoin, mais je vous

               remercie d’être venue aujourd’hui alors que ce n’est pas votre jour de visite. »
                A cet instant là Jeanne porta son regard sur un calendrier des postes, l’année 1941 était

               inscrite sur le haut de la page cartonnée. Surprise de cette découverte, elle eut un mouvement
               brusque ce qui provoqua le débordement de la boisson chaude sur sa jupe. Rien n’avait

               échappé à la jeune fille qui s’inquiéta des conséquences de ce geste malencontreux ; «  Rien

               de bien grave, » assura Jeanne.


                      - « Vous savez, je n’ai pas de nouvelle de mon fiancé depuis plus de deux mois je vous

               en avais parlé la semaine dernière. Dans sa dernière lettre, Richard m’avait écrit que les
               conditions de détention étaient de plus en plus difficiles et que les soldats allemands étaient

               devenus beaucoup plus sévères. Je vous lis une partie du dernier  paragraphe de sa lettre :
                ‘’Ma chère Julie,  mes pensées se  concentrent  uniquement sur le  jour de ma libération,

               j’espère que cette parenthèse dans notre vie ne sera plus qu’un mauvais souvenir et que notre
               mariage en sera d’autant plus magnifique. Seule cette perspective me donne du baume au

               cœur.’’

               -Vous comprenez mon désarroi, je vous avais annoncé que mon père avait été tué à la bataille
               d’Arras au mois de mai 1940, mon fiancé fait prisonnier alors que nous devions nous marié le

               premier dimanche de juin, je me retrouve seule dans cette maison à tourner en rond et à me
               morfondre sur le sort de Richard. »


                      Jeanne se demanda si elle avait devant-elle une personne déséquilibrée qui devait être

               soignée très rapidement mais les faits et ce qu’elle voyait autour d’elle ne la persuadaient pas

               que Julie souffrait de troubles psychologiques. Elle aurait bien voulue se pencher à la fenêtre
               afin de découvrir à cet instant précis la vie au dehors, les voitures et le boulevard auraient pu

               lui donner des indications,  mais les volets étaient clos  et la fenêtre donnait  sur la  cour

               intérieure.. Elle se trouvait dans un appartement isolé du monde extérieur à une époque qui
               remontait  à quatre-vingts ans puisque le calendrier indiquait  1941. Mais était-ce le bon


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