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en plus audible à mesure qu’elle se rapprochait de la chambre. Elle ne reconnue pas
l’interprète mais cette mélodie que crachait, sans doute, un vieux phonographe ne lui était pas
inconnue. Un air qui lui était sorti de sa mémoire mais dont le souvenir remonte d’un lointain
passé. Elle était curieuse de découvrir ce qui se cachait derrière cette porte mais également
inquiète de percer ce mystère. L’aménagement de l’appartement et son ambiance surréaliste y
étaient sans doute pour quelque chose.
La porte s’ouvrit, à sa grande surprise, une jeune fille apparut, un sourire aux lèvres, très
élégante dans un déshabillé de soie rouge, avec des motifs noirs imprimés.
- « Entrez je vous en prie, je baisse la musique, vous aimez Léo Marjane ? Quelle belle
chanson elle correspond exactement à ma situation n’est-ce pas »?
Jeanne, un peu confuse dut avouer qu’elle ignorait et la chanson et son interprète.
- « Comment ?Léo Marjane ? ‘’ Je suis seule ce soir,’’ vous ne connaissez pas »?
Asseyez vous sur le canapé de velours rouge, moi je préfère mon fauteuil en osier que je viens
d’acquérir. »
La mémoire lui revint ; « Mais oui, cette chanson, ma grand-mère la fredonnait lorsqu’elle
était enfant. » Cela la perturba un instant en songeant aux souvenirs de sa parente disparue il y
a quelques années déjà.
- « Voyez-vous, c’est ma pièce de vie. Cette immense chambre a été aménagée par
mon père avant qu’il soit appel ;, afin que j’y dorme, bien sûr, mais aussi que je me distraie et
que je reçoive mes amis. »
La décoration de la chambre était du même style, art déco, que ce qu’elle avait entrevu
dans le couloir. La peinture des murs représentait des compositions de peintres que Jeanne ne
connaissait pas. Une coiffeuse avec un miroir églomisé qui occupait toute la largeur, trônait
face à la porte. Une pendule posée sur le marbre, en haut du foyer de la cheminée, rappelait
aux occupants que cette chambre et cet appartement représentaient bien le temps qui passe et
le temps passé. Le tic tac du mécanisme attirait Jeanne dans la quatrième dimension, rien ne
pouvait l’en empêcher. Elle se sentait transportée plus d’un demi-siècle en arrière.
- « Je vous ai demandé de venir aujourd’hui exceptionnellement, car comme vous le
savez, depuis que mon père et mon fiancé ont rejoint leur garnison, j’ai des angoisses, je dors
très mal et la journée, je traîne dans l’appartement qui est devenu trop grand pour moi. »
Jeanne silencieuse, porta à ses lèvres la tasse de thé à la bergamote que la locataire de
la chambre avait déposée sur la table basse. Elle essaya de remettre un peu d’ordre dans sa
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