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N° 108 Numéro 32
Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du manoir,
5ème étage, porte gauche. Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle s'arrêta au 4ème
étage, et frappa porte gauche. A peine s'était-elle aperçu de son erreur, qu'une voix résonna dans la
pièce du fond : « Enfin ! Je vous attendais ».
Sa conscience professionnelle lui disait de rester mais sa raison prit le dessus : elle prit ses jambes à
son cou et descendit les étages en quatrième vitesse pour sortir du bâtiment.
Même si elle connaissait très bien les personnes qui vivaient dans ce bâtiment, il n'était pas bon de
s'y attarder. Les gens là-bas étaient quelque peu prenants ! Ils absorbaient non seulement tout votre
temps mais aspiraient aussi toute votre énergie. Énergie dont Karen avait besoin pour s'occuper de
ses autres patients.
Karen était une psychologue qui s'était spécialisée dans les personnes dites « zèbres » dans le
village de Saint-Germain-les-prés. Personnalités complexes à définir; les zèbres possèdent une
intelligence intellectuelle et une intelligence émotionnelle. Particulièrement hypersensibles, ils sont
hyperémotifs et ont certains sens décuplés. Mais chaque zèbre a des capacités différentes : certains
vont avoir un instinct beaucoup plus prononcé pour le peu qu'ils savent l'écouter, et d'autres une
compassion sur-développée. Dans ce contexte, elle se considérait plus comme une coach en
développement personnel plutôt que comme un médecin s'occupant de ces patients. Elle-même dans
ce cas de figure, elle ne pouvait que mieux les comprendre. Âgée de 32 ans, son diplôme à peine
obtenu, elle s'était lancée dans le grand bain et avait ouvert son propre cabinet. Seulement, parfois,
il valait mieux se déplacer. Sa clientèle, comme elle aimait bien les appeler, se composait de jeunes
enfants comme d'adultes. Tous avec des « pathologies » identiques mais en même temps, tellement
différentes. Le plus difficile pour elle était de gagner la confiance de ses clients pour avancer dans
le processus.
Elle se sentait mal pour son erreur et son manque de professionnalisme. Mais c'était un mal pour un
bien ! Au moins, elle s'était protégée. Son insomnie ne l'avait pas beaucoup aidée non plus ! Tout ça
à cause du voisin, qui avait fait la fête du soir jusqu'au petit matin … Elle allait devoir lui remettre
les pendules à l'heure et elle détestait ça.
La journée allait être longue. Elle décida de prendre son petit déjeuner à la petite boulangerie à côté
de chez elle. Elle s’installa à une table et commanda un café bien fort et quelques viennoiseries.
Karen dégusta un croissant encore tiède en fermant les yeux, sentant avec délice le beurre fondre
sur sa langue. Elle sursauta soudain, entendant son téléphone sonner avec entrain dans son sac à
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