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cheveux, rassemblés sous un bonnet. Dès qu'elle le faisait rentrer, ils se collaient l'un à
              l'autre. Je ne reste pas longtemps disait-il, j'ai écoulé le temps de ma pause dans ta

              salle d'attente. Fallait juste que je t'embrasse, c'était nécessaire. Et il repartait comme il
              était arrivé. Un courant d'air. Avait-elle rêvé ?

                    La fin de son remplacement approchait et Suzanne ne savait comment envisager

              son avenir. Rien n'avait changé dans sa relation avec Yves. Même si elle ne pouvait
              s'en passer, elle commençait à se fatiguer de ces entrevues à la sauvette. Elle se disait

              souvent qu'il fallait qu'elle arrête, que cela  ne menait  nulle part.  Mais dès qu'elle le
              voyait, sa résistance ne tenait pas. Ses cheveux, sa démarche de chat, son bronzage

              (il était dehors toute la journée), ses  mots  doux, son attention, tout  en lui, lui  faisait
              perdre pied. Elle le voulait pleinement, pour elle toute seule. Elle voulait s'afficher avec

              lui dans la rue. Et puis, non, ça suffisait comme cela, la situation n'avait plus de sens.

              Elle ne cessait de penser à sa femme, Claire, qu'elle apercevait parfois dans la rue.
              Elle se disait que ce  n'était pas juste. Cette femme était trahie, même si selon les

              paroles d'Yves, il n'y avait plus rien entre eux et qu'il dormait sur le canapé.

                    Elle le croisait souvent dans sa camionnette, avec son logo Paysages et jardins
              sur les flans. Elle le croisait tellement souvent qu'elle se demandait s'il ne s'arrangeait

              pas pour se trouver sur son parcours quotidien.
                    Un jour, Yves lui téléphona. Il avait deux places pour un concert à la cathédrale

              d'Amiens. Si elle voulait elle pouvait le rejoindre à  Saint-Quentin sur leur parking
              habituel. De-là, ils partiraient ensemble jusqu'à  Amiens. C'est ce qu'ils firent. C'est

              Suzanne qui conduisait, la voiture d'Yves était bien trop voyante. Il parla peu pendant le

              trajet, sa main gauche sur la cuise droite de Suzanne. J'ai besoin de te toucher, lui
              disait-il, tout le temps. Le concert était magnifique et Suzanne reconnut quelques uns

              de ses patients dans le public. Avant de rentrer, Yves l'amena dans un pub irlandais,
              c'étais si doux d'être ensemble hors de l'appartement, se prendre par la main, marcher

              dans la rue, il fallait promonger le moment. Mais  Yves n'était pas comme  à son
              habitude, il semblait soucieux. Elle finit par l'interroger.

                    - Quelque chose ne va pas ?

                    - Si, si tout va bien. Il lui prit les mains au-dessus de la table, les maintenant dans
              les siennes

                    - Mais non, je vois bien que non ! Dis-moi.

                    Il prit une large respiration.
                    – Je ne vois pas le bout du tunnel. Je dois payer mes charges à l'Etat et je ne



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