Page 167 - affiche-plume-2020.indd
P. 167
Il prit le chèque. Sur le chemin du retour elle eut envie d'évoquer la fin proche de
son remplacement. Mais elle ne le fit pas. Ce n'était pas le bon moment. D'ailleurs, elle
prit alors conscience que jamais, il n'avait posé la question de son après
remplacement. S'en désintéressait-il ?
Le lendemain, comme par hasard, elle reçut un coup de fil qui changea sa
destiné. Un médecin qu'elle connaissait, un ami de ses parents qui habitait Rennes, la
ville où elle avait grandi, lui annonça qu'il partait en retraite, si elle voulait prendre sa
suite …
Elle attendait qu'Yves passe la voir pour lui annoncer la nouvelle, mais, cette
semaine là, il ne vint pas et la semaine suivante non plus ! Elle finit par l'appeler chez
lui. Ouf, ce fut lui et non sa femme qui répondit. Que se passe-t-il ? lui demanda-t-elle.
Je passe ce soir, je t'expliquerai. Il raccrocha. Et effectivement, il lui expliqua. Claire, sa
femme, avait appris sa liaison. Il ne pouvait pas dire comment, mais le fait est, qu'elle
le savait. Il faut qu'on arrête de se voir pour l'instant lui dit-il. Il gardait ses distances, ne
la prenait pas dans ses bras, ne la touchait pas. Il ne s'était pas rasé, son haleine
sentait le whisky. Ses cheveux, ses beaux cheveux étaient gras.
- Mais tu ne m'aurais rien dit, si je ne t'avais pas appeler ? Comment comptais-tu
régler la situation ?
- Je ne sais pas, il faut que je me concentre sur mon travail. Je regrette Suzanne,
je suis désolé.
Il se retourna et disparut dans l'escalier. Descente vertigineuse de l'ascenseur
dans le puits de la mine. Va-t-il s'arrêter ?
Tout se précipita ensuite. Elle fit de nombreux aller/retour entre Rennes et Saint-
Quentin, en sus des démarches pour prendre le cabinet, elle devait chercher un
logement. Le temps passa très vite. Curieusement, elle ne croisait plus la camionnette
Espaces et jardins. Elle le revit cependant, encore une fois, au marché, à la terrase du
café L'Uni. Elle réussit à faire un détour.
Elle prit congé de madame Colin et préféra l'escalier à l'ascenseur. Elle
descendait lentement en tenant la rampe. L'attendait-il au pied de l'immeuble ? Elle
craignait (mais ne le souhaitait-elle pas aussi ?) de se retrouver en face de lui. Il ne
ressemblait plus à ce qu'il avait été. Il avait grossi, cheveux coupés clairsemés, dents
imparfaites, double menton. Etait-ce l'homme qu'elle avait aimé ?
Il m'a remboursé, se rappelait-elle, mois après mois, sans faillir. Elle avait dû lui
transmettre sa nouvelle adresse par courrier, et tant pis si sa femme ouvrait la lettre, le
8