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ne voulait rien entendre. On a tout essayé, vous savez bien, lui disait-elle, je suis trop
vieille pour ça, je suis fatiguée. Ah, si je pouvais mourir !
Tout en esseyant de rassurer madame Colin (le pouvait-elle vraiment ?), Suzanne
songeait. Oui c'était bien lui. Grand, imposant comme avant. Il a perdu ses longs
cheveux soyeux. C'était, s'en souvenait-elle, ce qu'elle avait aimé le plus chez lui. Ce
qui l'avait séduite la première fois qu'elle avait vu. Il y a 25 ans déjà.
Elle venait d'arriver à Saint-Quentin. Son premier remplacement en tant que
médecin. Elle ne connaissait personne, à part une collègue, médecin comme elle,
installée dans cette ville depuis quelques années. La sachant seule, Charlotte et son
mari l'invitaient pratiquement à chaque fois qu'ils sortaient. Suzanne leur en était
reconnaissante. Avec eux elle faisait les musées, les chemins de randonnée, les
cinémas. Elle aimait particulièrement le musée de Saint-Quentin, qui tout en étant
modeste, présentait des collections très originales d'artistes peu connus du grand
public, mais néanmoins talentueux. Ce jour-là, c'était l'inauguration de l'exposition du
peintre de Carmelo Zaggari, que Suzanne aima beaucoup. Elle prit son temps pour
observer les tableaux qui présentaient des scènes de cirque avec jongleurs, clowns,
singes et chevaux. Un univers étrange qui la hanta longtemps. Elle traîna de tableau en
tableau, s'arrêtait, revenait sur ses pas tout en observant l'artiste à l'autre bout de la
pièce. Elle finit par acheter un tableau. Quelqu'un lui proposa un verre qu'elle accepta
et sans trop savoir comment, elle se retrouva au restaurant avec une vingtaine de
personnes qu'elle ne connaissait pas à l'exception de Charlotte et son mari. Assis à
côté d'elle, ce type aux cheveux longs qu'elle avait déjà remarqué au musée. Qui ne
l'aurait pas remarqué ? Il avait des cheveux magnifiques qui lui tombaient au milieu du
dos ! Grand et musclé (c'était l'été et il était en tee-shirt) il se déplaçait avec légèreté et
souplesse tel un danseur. Ils avaient beaucoup parlé pendant le repas et elle se
souvenait qu'il n'arrêtait pas de lui toucher la main ou le bras, à la façon des gens du
sud. Suzanne se disait qu'il faisait cela naturellement, comme il aurait pu le faire avec
sa mère ou son frère, qu'il n'y avait rien de sexuel là-dedans, c'était juste une manière
d'être en communication avec l'autre. Mais Suzanne, ça l'allumait entièrement. A
chaque toucher, le feu descendait dans ses entrailles, puis dans son bas ventre. Peut-
être parce qu'elle ne fréquentait personne depuis un moment. Elle avait rompu avec
son amant depuis deux ans déjà et n'avait eu aucune aventure depuis. Elle ne se
souvenait absolument pas de la conversation lors du repas. Elle n'avait d'yeux que
pour ses cheveux et sa main qui, pensait-elle, utilisait chaque prétexte, pour la toucher.
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