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En entrant, Arielle eut droit au traditionnel « Je vous attendais avec impatience »

               bien qu’elle fût arrivée à l’heure ; le carillon de l’entrée lui donnait d’ailleurs raison en

               chantant ses dix coups. Méticuleusement et sans hâte, elle prodigua ses soins tout
               en discutant habilement avec sa patiente.

                   Ainsi, oui, Berthe, la demoiselle de l’étage en-dessous, était bien sa cousine,

               mais trop lointaine pour que sa patiente fasse l’effort de l’accompagner à sa dernière
               demeure, ses pauvres jambes oblige ; non, elle n’était pas naine, juste un peu petite,

               ce qui était peut-être la cause de son naturel grincheux.
                     « Ah, j’oubliais, Arielle : elle m’a légué quelques objets de famille, dont ce tableau

               qui est là-bas. Mais je ne vois pas où le mettre. S’il vous intéresse, il est à vous !
                    Dans son cadre en bois doré, le tableau était retourné contre le lambris, à côté

               du meuble télé. L’image d’un perroquet vint aussitôt à  l’esprit d’Arielle. Elle  se

               précipita. Non, ce n’était qu’un paysage forestier, style Douanier Rousseau ; sans un
               seul oiseau, généreux de végétation, haut en couleurs. De merveilleuses couleurs.

                    - Merci, mademoiselle Je le prends, j’aime bien ses couleurs !
                   - Leurr, leurrr, répéta en écho une voix d’outre-tombe.

                   - Mais… ? balbutia Arielle.
                   - Ah, oui, j’ai oublié de vous dire aussi : la concierge m’a demandé de m’occuper

               du « petit oiseau des îles » de la Berthe, comme elle le disait. Personne n’en voulait.

               Et il parle !  Allez donc le voir, il est devant le bow-window.
                     Dans la salle à manger, dans la clarté de la fenêtre triple, une cage était posée

               sur un  guéridon.  Dedans, un  petit perroquet vert vif  allait et venait comme  un

               automate, du perchoir à la balançoire, dans un grincement énervant.
               Les jambes coupées par l’émotion, Arielle se laissa tomber sur la première chaise

               venue. Là, elle pensa que, dorénavant, elle apporterait un crédit certain aux rêves
               prémonitoires, la coïncidence était trop troublante.

                A côté, la vieille demoiselle reprit :
                     - Arielle, au fait, est-ce que vous aimez les animaux ? »




















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