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Je descends souvent chez elle pour jouer au Scrabble. Mais je dois vous avouer

                    que je me place toujours dos à sa collection de nains parce que j'ai un peu de mal
                    avec tous ces gugusses. Il semblerait qu'elle affectionne les plus moches. D’ailleurs

                    quand j'en trouve un bien laid je lui en fais cadeau, mais il faut reconnaître que la
                    barre est haute.


            Au bistrot de l'avenue du manoir, Marie et Claude ont pris un café, puis un autre et aussi

            un rendez-vous. S'ensuivirent des déjeuners,  des dîners  et enfin  des nuits. Elles

            racontaient à qui voulait l’entendre les circonstances de leur rencontre. Cela n'étonna donc
            personne lorsqu'elles choisirent les deux voisines du 32 Avenue du manoir pour témoins

            de leur mariage, première union homosexuelle officielle de ce quartier huppé.



                –   Bon, le mariage ça fait pas un peu trop happy end branché ? Qu’est-ce que tu en

                    dis ? S'inquiéta la jeune femme en mâchouillant son crayon.

                –   Non... C'est sympa. Et puis ça va faire bicher les anti-mariages pour tous, s'amusa
                    son compagnon. Moi, ce qui m'étonne, c'est le Glock 17... Comment elle sait que

                    c'est un Glock cette fille, elle est médecin, pas flic...

                –   Ben, je sais pas... Dans le polar que je viens de lire, il y avait un Glock, je trouve
                    que ça sonne bien.

                –   Cette nouvelle, c'est pour ton atelier d'écriture par mail ?
                –   Non, c'est pour un concours en Bretagne.

                –   D'accord, super. Mais dis-moi Marie, tu pourrais pas changer les prénoms ? J'en ai
                    un peu marre, dans la plupart de tes écrits, c'est Marie et Claude.

                –   Oui, mais tu as vu ! Ici c'est Claude au féminin !

                –   J'ai vu mais tout de même... En plus l'Avenue du Manoir, c'est à deux pas d'ici.
                –   Oui ! D'ailleurs le numéro 32 est magnifique, un bel immeuble, je passe devant en

                    allant au boulot. Ça m'a inspirée, tu sais finalement l'imagination, ça vient pas de
                    bien loin.


            Claude rechignait pour la forme mais en fait il aimait bien faire partie d'une façon ou d'une

            autre des jeux d'écriture de son épouse. Elle était toujours pleine de surprises Marie, et

            cela le bousculait parfois. Il faut dire que plus de vingt ans d'écart ça n'était pas toujours
            de tout repos pour  un homme de la cinquantaine. Cependant, ce n'était  pas la vie de

            couple  qui usait l'énergie de Claude  mais bien plutôt son  travail. C'est pourquoi il


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