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envisageait de se glisser dans une retraite très anticipée, conforté par l'héritage inattendu

            de l'oncle Jean décédé quelques années auparavant. Malgré les droits de succession le
            tonton avait laissé  un patrimoine assez considérable. Aussi  Claude avait-il suggéré  à

            Marie qu'ils arrêtent tous deux de travailler, mais la jeune femme avait rétorqué que c'était
            hors de question. Elle aimait son travail à l'agence d'architecture, ses  collègues, sa vie

            sociale,  et elle tenait  à rester indépendante. Claude, lui, voulait raccrocher, lassé des
            conflits récurrents lors de ses expertises d'assurance. Les gens étaient de plus en plus

            agressifs et un dossier récent lui avait valu une semaine d'ITT. Il avait porté plainte mais

            était resté traumatisé par la violence qu'il avait subie.


            Marie rangea les  pages couvertes de son  écriture serrée  et s'apprêta à  partir, comme
            toujours pleine d'énergie. Elle embrassa tendrement Claude.

                –  Tu viens me chercher, promis ? Pas avant 18h30, on  est charrette ! A ce soir !
                    Bonne journée !



            Bonne journée... juste bonne journée ?... alors qu'aujourd'hui même Claude allait passer le
            cap  du demi-siècle ! Ce  n'était pas  rien ! Mais il souriait déjà en se demandant quelle

            surprise Marie allait lui concocter pour cette année toute spéciale. Elle avait toujours des

            idées géniales. Il y a deux ans la  fête  surprise sur la  péniche avait été vraiment
            extraordinaire. Particulièrement réussie également la journée jeux de rôles l'an passé. Et

            inoubliable la célébration des cinq années de leur rencontre. Marie l'avait amené par un
            subtil jeu de piste jusqu'à un chapiteau où une troupe de cirque fantastique avait donné un

            spectacle pour amis et famille.
            S'extrayant de ses rêveries, Claude consacra le reste de sa journée à traiter en télétravail

            quelques dossiers en souffrance. A  dix-huit heures, se sentant  tout guilleret,  frétillant

            comme déjà pris à l'hameçon  d'une aventure, il enfila son pardessus  et partit  rejoindre
            Marie.


            Quand il passa devant le 32 de l'avenue du manoir à 18h15 précises, il se figea. Arrêté

            devant la porte cochère il leva les yeux sur la façade élégante du bâtiment. Bien sûr ! Mais
            bien sûr, Marie avait semé les indices, elle savait qu'il s'arrêterait là, il devait comprendre

            que la nouvelle était la clef de la fête d'anniversaire ! C'était comme un nouveau jeu de

            piste. Il entra et s'engagea prestement dans l'escalier à l'odeur de bois ciré, aux portes
            palières toutes semblables, même rouge bordeaux profond, mêmes moulures.

            Emporté par son élan, il gravit les étages avec excitation. Aucun bruit, mais il imaginait


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