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Sous forme d’un appartement luxueux, cet espace exhalait la lumière infiniment
               blanche magnétisante. L’esthéticienne perdit tous ses moyens. Comme hypnotisée, elle mit un

               pied puis un autre pied à l’intérieur. Une fois le seuil franchi, Cécile oublia le monde ordinaire
               d’où elle venait.

               Une table du petit-déjeuner l’attendait.

               -Asseyez-vous, je vous en prie. Vous avez des viennoiseries, de la confiture et des œufs. C’est
               peut-être un peu beaucoup, croyez-vous ? Voulez-vous un café ? Vous préférerez un thé peut-

               être.
                      Victime d’un vertige soudain, Cécile Pelletier avança difficilement vers la table et

               s’assit. Devant le repas si attrayant, elle n’avait aucun appétit. Sur une commode de style
               Louis XV, des photos de famille, datées, étaient exposées. Le parquet ciré, les meubles

               antiquaires… la jeune femme avait une étrange sensation que ces matériaux nobles réels

               semblaient dissimuler quelque chose d’autre.
               - Racontez-moi votre dernier voyage, prit la parole Marise De Palmas sans vraiment regarder

               la jeune femme. Alors qu’elle tentait de maîtriser ses gestes, la tasse tremblait dans ses mains,

               ainsi que sa voix. Elle poursuivit :
               - Je sais que vous avez voyagé partout. Moi, me déplacer, cela n’a jamais été mon habitude. Je

               me contente de regarder des paysages des quatre coins du monde depuis l’écran de télévision
               de mon salon. Comment ça se passe dans les autres pays ? Pakistan, Tibet, dans ces endroits-

               là ?
                      La dame n’attendit pas la réponse de la jeune visiteuse, et renchérit.  - Ça doit être bien

               différent, je suppose.

                      Cécile regarda Marise De Palmas. Alors qu’il y avait à peine un mètre entre les deux
               femmes, cette courte distance semblait infranchissable. Cécile connaissait évidemment tout le

               vocabulaire simple que Marise De Palmas employait. Elle écoutait attentivement son
               monologue, pourtant, la jeune femme ne le comprenait pas.

               - Je ne vous ai pas imaginée si jeune et jolie. Vous vous rappelez, dans mon existence, je vous
               ai croisé si souvent. Vous avez toujours pris des formes différentes, vous étiez un vieux

               monsieur, une dame, un beau jeune homme. Vous êtes mon ami. Pour dire la vérité, l’ami que

               je haïssais de toute mon âme. Je n’ai pas peur de le dire maintenant, car de toute façon vous le
               savez. Mais depuis des années, je vieillis. Puis, je suis tellement seule. Je n’ai plus d’énergie

               pour maudire quelqu’un, même pas vous. Voilà aujourd’hui, vous êtes enfin revenue ici pour

               moi. Oui, je vous attendais. Ce matin, je suis contente que vous soyez ici avec moi. Vous êtes
               une jeune femme belle et insouciante. Cette vitalité m’aspire. Cette force de vie, que jadis

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