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Nora et Tom marchaient vite malgré le vent contraire. Un peu de matériel, et une envie monstrueuse

            de fric pour échapper aux contingences et se faire la malle. Une idée vieille comme le monde mais
            aujourd’hui, vendredi 13 janvier, c’était la leur, et le rendez-vous approchait, alors que la pluie

            cessait.



            En guise de surprises, ils n’en eurent que des bonnes : Tom qui crochette la triple serrure du hangar

            en un temps record, Nora qui pousse doucement et légèrement l’unique caméra de surveillance à

            l’aide de sa perche téléscopique, pour refermer son angle de vision. Tom qui désarme l’alarme en
            déconnectant 2 fils dans les goulots électriques qui filaient le long des murs en béton brut de ce

            bâtiment industriel, ancien garage, aujourd’hui tapi dans une rue mal éclairée de la zone d’activité
            portuaire.

            Nora avait repéré 100 fois le chemin, tout en joignant l’utile non pas à l’agréable, mais à la forme
            physique : le trajet et les alentours, peu circulés, étaient devenus son secteur de footing quotidien.

            C’était presque devenu son quartier. Elle était maintenant accroc à la course à pied, entre les

            bordures de béton éclatées par les roues des poids-lourds et les terrains en friche derrière les centres
            commerciaux éclairés. Ceux qui laissent leur part d’ombre aux zones plus reculées, délaissées par le

            trafic et la société de consommation. Ce hangar, elle était capable de le dessiner de mémoire. Elle

            aimait son architecture désuète. Du béton là où il ne pousse plus que des constructions métalliques
            qui sonnent creux. C’est là qu’elle avait découvert le ballet des transports de fonds et, petit à petit,

            ruminé le plan.
            Les deux complices s’étaient ensuite faufilés comme des chats dans le local poussiéreux et atteint le

            fourgon, rangé entre deux autres véhicules qui lui ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Ils
            s’étaient alors glissés sous le camion, chacun à sa place, comme ils l’avaient prévu lors de dizaines

            d’entraînements dans leur propre garage, au sous-sol de leur petit immeuble.

            Nora se rappelait les discussions avec Tom sur les étapes et les actions à franchir avant d’accéder au
            chargement, en toute sécurité. Même si elle ne lui avait jamais vraiment dit, elle avait bien dû

            reconnaître que c’est grâce à l’attitude de Tom et à ses doutes, à ses questions que, pas à pas, ils
            avaient réussi à déjouer les pièges possibles et à rendre exécutable le projet. Pendant que Tom,

            imperturbable, démontait le système d’échappement du véhicule, elle préparait le système de
            découpe du plancher en assemblant les éléments emportés dans le sac noir.

            Tom bénéficiait d’un atout de taille : son expérience de garagiste, soit ses onze années passées les

            doigts dans la graisse et l’huile de vidange, dans l’atelier mécanique et carrosserie de Xavier, son
            oncle et patron. Un garage connu de toute l’agglomération, dans lequel on se bousculait pour être

            inscrit sur la liste des bons clients, propriétaires de véhicules chouchoutés et qui bénéficiaient d’un


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