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La rue des lilas
Hier elle persiflait « as tu remarqué que le boucher-charcutier a installé sur le
trottoir un énorme porc, les pattes arrière posées sur un socle ; muni d'un long
couteau ses yeux scintillent de joie, à croire que ce cochon est masochiste. Tu
sais bien que depuis un an j'ai renoncé à en manger, maintenant que je sais
comment ils sont entassés et maltraités dans les élevages. Sans parler de leur
nourriture bourrée d'antibiotiques et autres cochonneries. » Elle pouffe de rire
de ce bon mot. !
Margot tait son âge par coquetterie et sa vie amoureuse reste son secret.
Beaucoup d'amis au cœur de l'association viennent rédiger les affiches,
programmer les actions de terrain. Les réunions se tiennent dans sa maison.
Il m'arrive d'y assister, retrouvant une bande sympathique, très informée sur les
changements climatiques. Je m'instruis et je pense me rallier à leur cause avant
longtemps. J'ai donné ma parole à Margot.
Elle habite en haut de la rue des lilas une villa à l'ancienne. Un perron de
briques et deux rampes en fer forgé agrémentent la façade. Au printemps, les
seringas du jardin parfument la rue, un lilas d'un violet intense s'y mêle
ajoutant à la tendresse du regard qu'on y pose. Souvent des passants s'attardent
devant la grille. En été les plumbagos s'échappent de la clôture un peu rouillée.
L'hiver les geais picorent les cotonéasters leur offrant des baies rouges.
Margot, au marché du samedi, distribue des prospectus invitant les passants à
réfléchir à tout ce qui altère la qualité de la vie. Elle est connue de beaucoup
d'habitants du quartier pour son action militante.
Hier elle me répétait pour la énième fois « Réfléchis ma petite Anna. La liste
des abus est très longue. J'ai besoin de toi. Quand te décideras-tu à souscrire à
mon association ? »