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N° 8                                LA RUE DES LILAS

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            Il pleuvait ce jour là lorsqu'elle s'est levée.  Ah !  Au fait quel jour sommes

            nous ? Se dit-elle. Vendredi 13 ! Zut ! Elle n'aimait  pas les vendredis 13 qui lui

            réservaient toujours des surprises.


            Pourtant elle doit sortir, Elfi  adore la pluie et ma foi, pas le choix, car elle a ce

            courrier urgent à déposer à la poste avant la levée de treize heures.

            Presque  sexagénaire, Jeanne  un peu essoufflée  resserre l'écharpe autour de


            son cou et ajuste le dernier bouton-pression de son imperméable.

            L'hiver n'est pas  installé que déjà flotte  une brume glacée, la  rue  disparaît

            enveloppée d'un ruban cotonneux.  « Je vais devoir  changer de lunettes, ma vue

            baisse à  vue de nez. »  Presque  envieuse regardant son chien,  elle ajoute

            satisfaite : « mais tu es en pleine forme toi ! »


            Une  idée drôlatique, lui traverse l'esprit  amenant  un sourire à ses lèvres. Elle

            s'imagine dans la montée, cramponnée au bout de la laisse d' Elfy  traînée  sur

            une planche à roulettes. « Pauvre bête » se reproche t-elle. « J'ai  atteint les

            soixante deux kilos.   Tu n' es  pas  un   chien de traîneau !»    Un passant se


            retourne, ignorant ses pensées absurdes, étonné de l'entendre rire toute seule.

            D'autant qu'elle adore son vigoureux terrier. Au refuge, lors de l'adoption, on ne

            lui a donné  aucune précision sur sa date  de naissance. « Peut-être a-t-il huit

            ans, mais  rien n'est sûr » a dit la responsable.  Cette année, il en  a  donc  treize


            constate Jeanne,  le temps passe si vite .

            Jeanne se souvient  comme si c'était hier du jour où elle s'est rendue au refuge

            d'Argeville. « J'ai littéralement eu un coup de foudre. »   Accroupie devant sa

            cage, comptant les taches de son pelage blanc et noir, j'en avais   recensé treize,

             éparpillées entre son museau et sa queue. Pas un instant je n'avais hésité. C'est


            vrai que je suis un peu superstitieuse.  Comment ne pas aimer la pauvre petite

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