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la rue des lilas
bête, qui aux dires de l'employé a été abandonnée près de l'allée souffreteuse et
amaigrie. « Les hommes sont des lâches » avait-il ajouté.
Derrière le grillage l'animal était seul, il m'a fixée dans les yeux et son regard
m'a conquise. Très vite, j'ai découvert qu'Elfy était un peu cabochard mais
qu'il pouvait être doux malgré son poil rude.
Chaque jour mon fringant terrier s'impatiente, connaissant l'heure de la
promenade qui débute sa journée. Un rituel affirmé par de nombreux pipis
distribués près des entrées, côté pair à l'aller, impair au retour , auxquels
s'ajoutent quelques reniflements d'intense plaisir. Je suis équipée du petit sachet
glamour au cas où...
Ce matin, je pousse la porte de la boutique « Les doigts de fée » accueillie
par le sourire d'Anna, jeune femme tirée à quatre épingles, oserais-je dire, qui
récemment a créé cet espace.
Depuis que j'ai pris un léger embonpoint, c'est Anna qui de ses doigts habiles,
découd quelques pinces à mes vêtements trop justes. Elle confectionne à la
main des aumônières, des ceintures brodées, des manchons en velours et
brocart. Aimant passionnément ce qu'elle fait, Anna se consacre avec
enthousiasme à un métier qui se fait rare.
Hier soir je lui ai annoncé ma visite par SMS. Je lui apporte un pantalon neuf
qu'elle va raccourcir. J'entre dans l'atelier illuminé. Certes, les néons renvoient
une lumière blafarde, mais Anna qui a bon goût en a atténué leur éclat par
quatre lampes aux tons plus intimes. Une douceur plane en ce lieu. Un parfum
délicat de vanille ajoute à l'ambiance.
Deux bises, deux sourires, « heureuse de te voir. Un café ? » propose-t-elle
voyant que je tiens à la main un sachet de petits fours enveloppés d'un
cellophane qui me trahit. « La boulangère venait de les sortir du four, ils sont