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Abasourdi, Cyrille se demanda comment elle connaissait son prénom ! La belle
               continua.

                     — Je me nomme Cheryl et je vais vous guider dans la dernière étape du jeu. Vous
               voulez ouvrir la boîte, n’est-ce pas ?

                     Elle s’arrêta et eut une expression ambiguë en regardant Cyrille. Même si celle-ci savait

               que c’était de la simulation numérique, elle en fut troublée.
                     — Il n’y a pas d’ouverture physique. La boîte ne peut s’ouvrir et livrer son secret que si

               l’on actionne un code d’ouverture. Vous pouvez le taper sur votre clavier, mais il faut d’abord
               le trouver.

                     Elle fit une pause qui agaça Cyrille.

                     — Le code est un nombre qu’il vous faut deviner. Il répond à l’énigme suivante, que
               jusqu’ici personne n’a pu résoudre. Écoutez bien : c’est le dernier nombre qui s’inverse en

               miroir, avant le premier nombre qui ne s’inverse pas en miroir.
                     Cyrille n’avait pas compris l’énigme, mais Cheryl la répéta régulièrement, si bien

               qu’elle finit par la connaître par cœur. Elle eut l’impression d’être comme devant un sphinx,

               prêt à être dévoré. Elle commença à paniquer. Cheryl arrêta de répéter l’énigme, pour
               prononcer à l’envi une phrase tout aussi sibylline.

                     —Regarde qui je suis, regarde qui tu es !
                     Au bout d’un certain temps, elle disparut brusquement.

                     Cyrille était désarçonnée et pensa d’abord ne jamais pouvoir résoudre l’énigme. Mais
               elle se reprit et réfléchit prestement. On parlait de nombres et elle-même était une fanatique

               absolue de la théorie des nombres. Elle connaissait presque toutes les bizarreries que les

               mathématiciens avaient découvertes sur les nombres depuis des siècles (comment Cheryl
               pouvait-elle le savoir en disant « Regarde qui tu es » ?). Elle comprit tout de suite qu’un

               nombre qui s’inverse en miroir est un nombre dit « palindrome », comme 121, 134 431, etc.,
               qui se lit indifféremment de droite à gauche ou de gauche à droite.

                     « Regarde qui je suis ». Cyrille comprit là aussi très rapidement. Le nom « Cheryl »
               était relié à sa quasi-anagramme « Lychrel », nom donné, par un mathématicien – dont la

               fiancée s’appelait Cheryl – à des nombres qui ont des propriétés de renversement en miroir.

               En effet, tous les nombres ont une propriété étonnante. Par exemple 13 (pour la date d’achat
               du vendredi 13 !) : si on renverse ce nombre, on obtient 31, si on ajoute 13 à 31, on obtient 44

               qui est un nombre palindrome. Cela fonctionne pour tous les nombres avec un nombre

               d’opérations de renversement et d’addition plus ou moins grand. Cyrille s’était beaucoup
               amusée avec ses amis, qui découvraient ébahis cette propriété incroyable sur tout nombre

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