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N° 45                        LE VELO HOLLANDAIS





               Il pleuvait ce jour-là lorsqu’elle s’est levée.

               « Ah ! au fait quel jour sommes-nous ? » se dit-elle.

               « Vendredi 13 ? Zut ! »
               Elle n’aimait pas les vendredis 13 qui lui réservaient toujours des surprises.



               Elle avait mal dormi, elle ouvrit la fenêtre, il était déjà 9 heures, les trottoirs brillaient sous la

               pluie fine, le ciel gris obscurcissait l’horizon.

               De petits nuages emportés par le vent filaient au-dessus des toits d’ardoises.
               Elle se sentait mal, comme gênée par un rêve dont elle ne pouvait se débarrasser.

               Soudain elle comprit pourquoi, c’était ce vol de vélo. Ce vol ! mais ce n’était pas vraiment un
               vol se dit-elle et puis cela n’avait rien à voir avec le vendredi 13.

               Quoique ! Elle l’avait « emprunté » à minuit cinq. A minuit cinq, nous étions le 13, mais

               emprunté n’est pas volé.
               Ce vieux vélo, pas si vieux que cela du reste qui trainait dans les parties communes depuis

               quatre ans, abandonné par la fille de l’ancienne locataire, elle était prête à le restituer.
               Elle sentait néanmoins quelque chose qui la gênait, l’oppressait.

               Ce vélo allait lui portait malheur, elle le sentait, elle frémit, referma la fenêtre.
               Elle n’allait tout de même pas devenir paraskevidékatriaphobe. Elle avait mis longtemps à

               mémoriser ce mot et n’arrivait toujours pas à le prononcer sans reprendre son souffle.

               La peur du Vendredi 13, jour de malheur ou jour de chance !.



               La pluie cessa, les gouttelettes fines glissaient lentement sur les vitres et on pouvait apercevoir
               entre les nuages gris des petites taches bleues pales.

               Elle but un café, croqua dans une tartine de pain grillé et décida de s’habiller et de sortir.
               Elle le vit dans l’entrée, sur sa béquille d’acier noir, elle jeta son sac dans le panier métallique

               et ouvrit la lourde porte de l’appartement.

               Il rentrait tout juste dans l’ascenseur.
               Au rez-de-chaussée, elle le poussa sur le carrelage beige que Madame Cloarec venait de laver.

               « Ben, faut pas vous gêner, avec vot’e vélo, z’auriez pu attendre cinq minutes ».

               Elle poussa la porte massive de l’immeuble et se précipita sur le trottoir humide pour
               échapper aux récriminations de la gardienne.


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