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Quand je suis partie avec Sean pour ce qu'ils ont appelé par la suite le Dummy run, je ne

               savais pas ce qu'il y avait dans le camion. J'aurais fait n'importe quoi avec lui, pour lui. Il
               avait cette espèce d'assurance naturelle qui faisait tout passer. Il disparaissait parfois des

               semaines mais quand l'audace lui prenait de revenir à moi, il savait qu'il serait absous. Je ne

               posais jamais de questions.



               Toujours est-il que je l'ai suivi dans cette folie.
               Je t'emmène à Londres, il m'a dit. J'ai une livraison à faire. Quelques jours en amoureux, ça te

               dit Abby ? Ben oui, ça me disait. La perspective de l'avoir pour moi seule et de voir la Tamise

               était inespérée. On allait passer par l'Ecosse, prendre le ferry et descendre tranquillement
               jusqu'à la City. La traversée de Belfast jusqu’à Carinryan serait trop courte pour louer une

               couchette et avoir un peu d’intimité. Il m’a dit, tu verras la cabine du camion est confortable,
               avec les rideaux tu pourras m’embrasser sauvagement. Je me souviens de son rire à ce

               moment-là et de ce mot, sauvagement.

               On avait mis Can you feel the love tonight d’Elton à fond, ça ne collait pas vraiment avec
               l’idée que l’on se faisait de notre road trip rebelle, mais je trouvais le refrain furieusement

               romantique. On se tenait la main le plus souvent, un duo à la Bonnie and Clyde sauce
               irlandaise. Sa façon d’étreindre mon poignet variait en fonction des aspérités de la route.

               J’étais loin de me douter que j’étais assise sur une bombe qui allait quelques semaines plus
               tard désintégrer tout un quartier et tuer des gens. C’est ce que je ne lui ai jamais pardonné,

               d’avoir abusé de ma candeur, d’avoir mis ma vie en jeu sans sourciller pour une foutue

               répétition. Tout ça pour voir si le système était fiable avec les vibrations du voyage. Bloody
               fucking Friday…Tout ça me parait si loin désormais, depuis je n’ai jamais plus donné ma

               confiance, ni mes lèvres à personne. Mon corps hiberne désormais, une très lente agonie
               stérile.

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               C’est elle, j’en suis certain. Putain, il y a 80 000 personnes dans ce stade et j’ai vu Abby deux

               secondes. Mon cœur bat tellement vite qu’il essaime des centaines de répliques. Il remonte
               dans ma gorge, martèle mes tempes. Je transpire comme un bœuf, j’ai envie de gerber. For

               God Sake, je vais crever là, sans avoir pu lui demander pardon. Je soulève légèrement ma

               cagoule pour aspirer une grande goulée d’air frais. Salim se tourne vers moi, je lève mon




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