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Les ondulations se propagent à grande vitesse dans les gradins, la partie est plutôt mal
engagée. Les français ne laissent aucune faille dans leur défense, ils sont rapides et très
efficaces. Je surveille les mouvements de la foule, l'enthousiasme communicatif, les bras qui
s’agitent pour la Hola. Nous devons veiller à ce qu'aucun projectile n'atteigne le terrain. La
Marseillaise ponctue le temps restant et embrase le public. Face à moi, un groupe d'une
dizaine de supporters. Maillot de l'équipe de France, coq insolent sur la tête, ils s'embrassent à
chaque essai transformé en sautant comme des enfants. Pas de quoi s'inquiéter. Salim lève son
pouce droit, je tourne la tête vers Jean-Claude, sa zone est également sécurisée. J'ai chaud
sous ma cagoule, c'est une belle soirée de printemps. J'aimerais être ailleurs, au calme, dans
un jardin peut-être. Les oiseaux s'affolent en ce moment. L'herbe est tendre. Gorgée des pluies
d'hiver, elle frémit au réveil des insectes, s'agite au rythme de la population souterraine. Elle
se soulève par intermittence sous l'exploration des lombrics. J'aime par-dessus tous ces
mulons de terre noire, comme autant de petites spirales de chantilly brune. J'aime les
imperfections que m'offre la nature. Depuis que j'ai quitté ma cellule, je mesure en
permanence mon oxygène. Je suis resté trois ans dans cet espace de trois mètres sur deux, à
l'isolement. Ici tout est grand, je respire. Il reste un quart d'heure à jouer, les français mènent
au score.
J'ai levé les yeux dix secondes vers l'écran géant et il y a eu cette déflagration silencieuse.
Ce coup en plein cœur qui n'a touché que moi...
*****
Nous allons perdre, je vois que Liam s'énerve. Fiona et Mary se déchaînent. Dès que l’hymne
français résonne, elles hurlent. Tous les prénoms des joueurs de l'équipe d'Irlande y passent.
Je suis comme en apesanteur.
Mon chapeau a glissé sur le côté, je dois avoir l'air d'une idiote. J'ai hâte d'être à l'hôtel. Je sais
qu'il y aura encore un verre, puis un autre même si ce n'est pas celui de la victoire. Depuis le
début du match, je me demande à quoi peuvent penser ces hommes cagoulés qui veillent près
du terrain. On dirait des guetteurs, prêts à bondir sur un éventuel intrus. Ils sont nombreux,
tournent le dos au match, ratant toutes les bonnes occasions de se réjouir. Je n'aimerais pas
cette frustration. Tiens on dirait que celui qui est face à nous va soulever sa cagoule, on dirait
qu’il a du mal à respirer.
Sur l'écran, je me suis vue quelques secondes, Fiona m'a dit, regarde c'est nous ! Le
commencement de la célébrité. Du grand n'importe quoi, oui...
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