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Elle avait conservé son logement à la cité universitaire de Brest –  studio  –  que lui avait
            fourni l'Office HLM par le biais d'une cousine de sa mère plus efficace que le CROUS.
                   Depuis ses journées étaient mornes et rythmées par des habitudes qui confinaient a un toc.
            En se réveillant, sans se lever, elle regardait à travers la fenêtre le temps qu'il faisait et engageait
            ensuite une longue réflexion sur les vêtements qu'elle allait mettre ce jour là. Ensuite selon un rite
            immuable, elle étendait son bras gauche pour allumer son transistor préréglé pour écouter son
            horoscope sur RTL.

                   Elle se levait ensuite et se préparait un thé vert.
                   A la suite de sa déception amoureuse encore récente et compensée par la consommation
            de pâtisseries, elle n'avait pas cherché à retrouver un copain mais s'était plutôt laissée aller et avait
            pris quelques kilos supplémentaires. Utiliser les vertus diurétiques du thé vert constituait l'unique
            effort auquel elle consentait pour retrouver une silhouette attrayante a afficher dans FaceBook.
                   Un jour de vague à l'âme, elle repensait à son Fabrice si volage et eu l'idée de taper Tabarly
            sur Wikipedia. Elle en resta figé, il avait disparu en mer un 13 juin ! Le chiffre 13 !

                   Bien qu'ayant arrêté l'IUT elle percevait encore une bourse d'études qui lui permettait de
            faire face à son loyer. Ses parents et sa grand mère lui faisant un petit complément pour financer
            son caddy  au magasin Leclerc. Elle n'a  pas  de projet consistant mis à part quelques rêves
            inaccessibles
            Elle ne sait pas trop quel jour nous sommes , le temps qui passe  l 'effleure à peine : sa tête est un
            peu vide,
                   Elle se raccroche à la versatilité du sort, bon ou mauvais. Lui seul peut égayer son quotidien.
            Quotidien lui  réservant parfois des surprises qui perturbaient  l'écoulement  du  temps,  de son
            temps a elle, immobile et transparent.
                   Le premier abord était  l'étonnement  puis selon les cas, du meilleur ou du contrariant.
            Quoiqu'il en soit c'était contrariant. Il allait y avoir du mouvement, oh une légère vague qui allait la
            contraindre a revenir dans le quotidien, à prendre une décision, enfin peut-être


                   Elle revivait selon les  jours l'actualité du moment ou quelque souvenir. Elle rêvait son
            implication hypothétique dans tel ou tel événement.

            - Moi si j'avais été la reine d'Angleterre je n'aurais pas laissé le prince Charles...
            - L'autre soir la télé a annoncé le décès de Tabarly, si j'avais été sa femme...
            - Ces navigateurs qui traversent seuls les océans ont de drôles d'idées, par exemple


                   Ce matin là, Marjorie se demandait vraiment pour quelles raisons Jean-Yves Terlain avait
            appelé son bateau Vendredi 13. Vendredi 13, à chaque fois qu'Ildud entendait le nom de ce bateau, il
            pestait :
            -  Vendredi 13ce n'est pas un nom de canot. Moi, quand j'étais marmouz, il y avait une tranche
            spéciale de la Loterie  Nationale quand elle  existait encore, les vendredis 13, au  bénéfice des
            familles de marins péris en mer ou encore des Gueules Cassées blessés à la dernière guerre,
            maintenant c'est Stéphane Bern qui fait ça pour les vieilles pierres. Comme quoi le malheur des
            autres en enrichis plein d'autres !

            La seule réponse qui vint aux lèvres de Marjorie, ce fut :
            –      ..et toi papa, pourquoi as-tu appelé le tien Sainte Gudule ? Vraiment personne ne sait de qui
            il s'agit, tu parles d'un nom de bateau !
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