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L’arbitre siffle la fin du match.
               Liam est bourré, mais bon perdant, beau jeu, victoire logique, il a dit. L’ambiance générale est

               plutôt fraternelle. La foule s’évacue très lentement du stade, canalisée par les agents de
               sécurité. Il faut rejoindre le métro, à ce rythme-là, on va attendre au moins une heure. J’ai

               faim et j’étouffe avec ce satané costume en synthétique. J’imagine l’enfer de tous ces gens qui

               travaillent dans les parcs d’attraction… La faim agrippe mon estomac malgré les souvenirs
               pesants, malgré les bouffées de chagrin, malgré le manque de Sean.



               Merci Liam, tu as eu raison d’insister, c’était bien de voir tout ça, l’ambiance et tout. Je vais

               rentrer à l’hôtel, tu ne m’en veux pas, dis ?

               Non, il a fait. Je pense que dans son état, ma présence ne lui fera pas longtemps défaut.
               Demain matin je vais voir Paris se réveiller, j’ai dit très fort pour être sûre qu’il percute. Je

               l’ai aussi répété à Fiona par sécurité.
               Je laisserai un mot à l’accueil.




               La télé de l’hôtel repasse les meilleurs moments du match, et je me reconnais sur cet écran
               géant. Rien de mieux qu’un costume ridicule pour attirer l’attention.

               J’ai appelé le room service après une bonne douche, j’avais l’impression d’être riche, d’être
               libre comme pendant cette nuit à Londres avec Sean.

               J’ai mis le réveil à 7 heures.



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               Le sommeil m’a quitté pendant ces années de prison, je suis plutôt en état de veille. Mes

               tentatives pour retrouver Abby dans la foule ont été vaines, malgré l’excentricité de sa tenue,
               il y en avait tant de semblables. J’ai repensé à toutes ces fenêtres qui ont volé en éclats le soir

               de l’explosion en février, j’ai repensé au bruit du verre qui craquait sous les pas, à ce trou
               béant de plusieurs mètres de large. J’ai repensé aux familles des morts, à ces colombes

               libérées en leur mémoire. J’ai aussi pensé à elle, à mon visage enfoui dans ses cheveux. J’ai

               pensé à Abby pour trouver ma paix.



               J’ai fait du café, encore trop fort. La journée s’annonce belle, dans deux stations, je serai au

               Luxembourg. Je vais prendre une de ces chaises métalliques qui se réchauffent si vite au soleil
               et je vais laisser le temps filer, paresseusement.


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