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recruté une équipe avec l’approbation de l'autre salopard, lui ne m'a jamais déçu, constant
               dans sa couardise. Bref, l'affaire roule, les gars sont fiables et j'ai la part du roi.

               Positionné pratiquement face à l'écran géant, je m'autorise quelques digressions visuelles. Le
               maillage de la surveillance est assuré, nous sommes à quelques mètres de distance les uns des

               autres, Salim à droite, Jean-Claude à gauche. Tous cagoulés comme une belle brochette de

               malfrats.
               Je ne devrais pas le dire, mais je regarde les plus belles actions du match, les ralentis des

               essais, les gros plans sur les muscles des joueurs pendant la mêlée, la sueur qui colle les
               cheveux. C'est dingue cette caméra qui se déplace sur les câbles comme une araignée

               défoncée au speed. Je crie intérieurement quand l'Irlande marque. J'espère que ce soir on va

               mettre une branlée aux français. Mon cœur est resté là-bas, oui c'est véritablement ce que je
               peux dire.

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               A peine le temps de dire ouf à l'hôtel et nous sommes repartis pour le stade. Le groupe est

               déjà bien éméché quand nous arrivons au métro. Il y fait chaud et l'odeur de pisse se diffuse
               dans les couloirs au gré des marées humaines et des courants d'air endémiques. Je ne

               ressemble à rien dans ce déguisement grotesque. J'ai tout accepté sauf la perruque, mes
               cheveux sont naturellement incendiaires. Nous avons laissé passer trois métros avant de

               pouvoir monter dans une rame, les corps se frôlent, se collent, s'imbriquent. Seuls quelques
               gobelets de bière vacillants émergent de la foule. Cette journée n'en finit pas, bloody fucking

               day again.

               Il faut passer toutes les étapes de la fouille, une femme se charge de moi. Mon déguisement
               l'amuse mais elle reste très vigilante. Le stade bourdonne, bouillonne, la clameur s'accentue

               quand nous gravissons les marches. Quand enfin, nous arrivons à notre place, les hymnes sont
               sur le point de commencer. J'ai promis à Liam de donner le change, je fais du play back, je

               suis époustouflée par cette ferveur qui emporte la foule.
               Le boomerang d'un autre vendredi 13 revient violemment me heurter à la poitrine, là où tout

               palpite. Je suis pétrifiée, au milieu de mes amis gesticulants. Pas loin de trente ans auparavant

               ma tête était posée sur l'épaule de Sean, je pensais que nous étions invincibles.



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