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de mer conjugués, cramponnée à un bastingage qui ne lui inspirait aucune
confiance. Plus jamais ça.
Les sportifs en salle auraient le mérite de lui laisser du temps pour elle. Elle admira
les corps sculptés, les abdominaux saillants, ne se priva pas de déshabiller
mentalement tous ces beaux mâles aux corps d’éphèbes. Se resservit une crêpe.
Tous ces hommes à portée de clic qui semblaient n’attendre qu’elle, c’était tout de
même incroyable. Elle crut reconnaître Loïc, avec qui elle était en Terminale. Mais
non, impossible. A l’époque, il était épais comme une limande, et tellement
boutonneux qu’on l’appelait La Calculette. Terrain glissant. Le lycée, ce n’était pas la
période la plus glorieuse de l’existence de Kristin. En guerre frontale permanente
avec ses hormones, elle avait oscillé pendant plusieurs mois entre boulimie, mal-
être, et une irritabilité qui l’avait peu à peu rendue solitaire. Il lui avait fallu plusieurs
années et une plongée débridée dans la vie estudiantine de Rennes pour réussir à
oublier ses complexes et ses rondeurs. De là à envisager une idylle avec l’un de ces
apollons qui étalaient leur virilité sur son écran, il y avait encore loin. Encoconnée
dans son grand pull informe, elle avait poursuivi sa quête de l’homme idéal, celui qui
saurait l’accepter et l’aimer telle qu’elle était.
Et ce soir-là, le miracle semblait s’être produit. Du moins, ça s’annonçait plutôt bien.
Au départ, elle avait fait la moue devant son pseudo ridicule, « Pluto ». Le chien de
Disney. Pourquoi pas « Dingo » pendant qu’il y était ? D’un autre côté, qu’avait-il
bien pu penser du sien, « Ariel », la petite sirène, du même producteur ? A moins
qu’il ne lui ait évoqué la marque de lessive ! Quelle nouille, elle aurait dû réfléchir un
peu plus avant de faire son choix, on sait bien que la première impression est
souvent la bonne… Au moins, le garçon avait certainement de l’humour, et un certain
sens de l’auto-dérision. Face aux Batman et autres Tarzan, le chien tout fou des
bandes dessinées ne faisait certes pas le poids. Mais le personnage renvoyait à une
image de gentillesse un peu pataude et maladroite, assez touchante en fait.
La photo ne le mettait pas vraiment en valeur, un visage banal dans un cadre banal.
Une trentaine d’années, le cheveu clairsemé, un sourire timide mais chaleureux. On
ne distinguait même pas la couleur de ses yeux. Elle avait commencé à lui écrire, à
tout hasard, davantage par jeu que par séduction, elle n’avait rien à perdre après
tout. Pluto avait répondu dans la minute suivante, une allusion prévisible à la
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