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Il tentait de se rassurer. Et pourtant, le doute l’envahit car la forêt était immense et les sentiers
               ne manquaient pas. Les secours pourraient s’y égarer. Les pensées les plus sombres se
               heurtaient dans son esprit qui cédait à la panique, minute après minute.


               Voilà qu’à présent, il en voulait même à Élie de l’avoir entraîné sur un mauvais chemin, alors
               qu’il était prêt à l’encenser quelques minutes auparavant.


               Qu’est-ce qui pouvait bien inciter Paul à le rendre responsable de sa propre imprudence et
               imputer à Élie un choix qui n’était en fait que le sien ? La peur et le stress avaient totalement
               émoussé son jugement.


               Il en était là de ses réflexions lorsqu’il assistait progressivement au déclin du jour.

               Le désespoir le gagnait. Abattu, désarmé et sentant sa fin proche, il appela au secours, criant à
               tue-tête à plusieurs  reprises, au milieu d’un angoissant et pesant silence nocturne. Aucune
               réponse à ses appels de détresse. Il était bel et bien seul au monde. Depuis le fond de la cavité,
               alors que la nuit la recouvrait d’un voile opaque qui lui glaça les veines, il put néanmoins
               observer durant quelques instants une faible lumière briller au firmament.


               C’était Vénus qui entra puis sortit peu à peu de son champ de vision. Une lueur d’espoir pour
               Paul ? Saluée comme l’étoile qui invite le gardien du troupeau à rentrer au plus tôt ses bêtes
               dans la bergerie, il reçut cette apparition fugitive en tant que signe de bon augure.

               Lui aussi, pauvre brebis égarée de nuit dans la forêt, ne tarderait pas assurément à retrouver sa
               demeure auprès de Marie.


               Un lointain souvenir que Paul avait enfoui depuis très longtemps ressurgit alors.

               Ne dit-on pas qu’en situation de panique, une part des zones d’ombre de l’inconscient peut
               rejaillir à la surface ? Il revit sa grand-mère qui ne cessait de répéter à qui voulait l’entendre,
               que son petit-fils était né sous une bonne étoile. Il faut dire que depuis sa plus tendre enfance,
               il ressortait toujours indemne de nombreux accidents, chutes ou divers chocs frontaux à
               bicyclette, à mobylette et plus tard même en voiture.


               Et si sa grand-mère avait raison ? Et si sa bonne étoile cette nuit, était l’étoile du berger ? Ou
               bien autre chose ?


               Suite à des tentatives d’une escalade qu’il fut contraint de juger impossible, tellement la paroi
               était lisse, Paul s’écroula, désespéré, fatigué. Il se recroquevilla en position fœtale et malgré le
               froid et l’humidité qui commençaient à le gagner, le sommeil l’emporta.


               Combien de temps ? Il ne put le dire.

               Toujours est-il que lorsqu’il ouvrit les yeux, une lueur extérieure éclaira son antre.


               Était-ce l’aube ? Avait-il passé toute la nuit au fond de cet aven ? Il fut rapidement fixé car la
               clarté lui permit de lire l’heure sur sa montre, vingt et une heures quarante. Endormi donc un
               peu plus de deux heures dans ce trou sordide, avec des vêtements trempés et souillés de boue.


               La lumière s’intensifia.

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