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Paul dénicha quelques cèpes, quand soudain le miracle se produisit. Au cœur d’une litière de
               conifères et de coupes de bois, au bord d’un ruisseau, des morilles étaient là tout près.


               Il n’avait alors jamais imaginé pouvoir rencontrer un jour, une telle kyrielle de champignons,
               tous aussi tendres que sans aucun doute savoureux.

               Un appel immanquable pour le fin gourmet qu’il était. Il devait y en avoir plus d’une
               vingtaine, parsemés à la ronde, dressant sans nulle gêne leurs corps fragiles et charnus.

               Des morilles prêtes  à être cueillies avec  ce plaisir, ce  respect pour l’environnement et  cet
               amour qui fondent ces trois postures que se doit d’adopter tout amoureux de la nature.


               Notre mycologue en herbe touchait enfin au bonheur extrême qu’éprouve tout chercheur de
               champignons voyant s’exaucer ses vœux les plus intimes.


               Tout en remerciant secrètement Élie de lui avoir ouvert le chemin conduisant à cette félicité, il
               s’attela alors avec délicatesse à effectuer, comme pour les autres  mycètes, à l’aide de son
               canif, une coupe franche sous le chapeau.


               Alors qu’il venait de déposer la dernière morille dans son panier maintenant plein à ras bord,
               il sentit soudain le sol se dérober sous ses pieds et tout son corps aspiré par le vide.


               Son attention avait été tellement captivée par cette récolte qu’il n’avait pas repéré un aven,
               partiellement caché sous un lit de branches et de feuilles. Avant de chuter, il se souvint juste
               d’avoir lâché son panier et son couteau. Il se retrouva dans un trou peu profond, car il pouvait
               toucher son bord extérieur du bout des doigts. Par chance, mis à part quelques égratignures,
               aucune blessure.

               Vainement, il tenta de remonter une paroi argileuse devenue glissante en raison des pluies.


               Il ne rencontra aucune aspérité pour s’accrocher et se hisser jusqu’à la sortie.  À  chaque
               tentative, ses pieds et ses mains n’ayant aucune prise, il tombait désespérément.


               La cavité était large d’environ deux mètres. Mais au fond, ni branche ni grosse pierre pouvant
               lui servir d’appui pour se dégager de ce piège.

               Une peur panique envahit Paul. Il se voyait  déjà condamné  à rester là pour toujours,
               s’imaginant y mourir de froid, de faim et de soif, sans personne pour le secourir, abandonné
               de tous dans cette sinistre prison à quelque six pieds sous terre.


               Machinalement, il consulta sa montre. Elle indiquait dix-neuf heures trente. Il savait qu’en
               cette période, le crépuscule s’installerait bientôt, recouvrant d’un noir linceul cet aven qu’il
               considérait déjà comme sa tombe.


               Marie constatant l’absence de son époux, donnerait certainement l’alerte à la nuit tombée. Les
               gendarmes viendraient alors chercher Paul. Leurs chiens le détecteraient en flairant ses traces,
               reniflant son odeur alentour, au sol, sur l’anse du panier ou sur le manche de son canif.







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