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féru de girolles et de bolets tapissant les sous-bois en cette saison. Qu’il pleuve ou qu’il vente,
               il ne pouvait louper cette occasion inespérée.


               En dépit de l’avis de Marie, vers seize heures, Paul enfourcha sa bicyclette, vêtu d’un
               ensemble de pluie et de bottillons  imperméables. Il s’éloigna du bord  de mer et regagna
               quelques kilomètres plus loin un large chemin forestier dans lequel il s’enfonça. Celui-ci se
               transforma en un sentier étroit serpentant entre des buissons épineux. Fallait-il le suivre ?

               La tentation de s’engager sur cette sente à première vue inhospitalière était grande car Élie un
               ami breton, de passage en Provence, lui avoua avoir réalisé  au printemps dernier, une
               importante récolte de champignons dans ce secteur boisé.


               Peu disert sur la question, car il est de coutume pour un ramasseur de mycètes ne pas révéler
               l’endroit précis de ses coins de cueillette, Élie lui parla juste d’un chemin à suivre longeant
               une rivière facile à identifier.

               Celle-ci une fois  reconnue, Paul posa son vélo  contre un tronc d’arbre  et prit son panier
               d’osier fixé au porte-bagages.


               La pluie venait de cesser, mais le sol restait en mauvais état.

               Il était bien décidé lui aussi, à faire le plein de cèpes qu’il rêvait déjà de savourer dans une
               délicieuse omelette. Ou encore de morilles qui accompagneraient une bonne pièce de bœuf. Il
               en avait déjà l’eau à la bouche.


               S’engouffrant donc sans hésitation, muni de son canif et de son panier, au milieu des
               buissons, il espérait en sortir rapidement pour explorer des sous-bois plus accueillants où
               l’attendrait une cueillette de rêve.

               Tout en se frayant un passage parmi des chênes kermès au feuillage épineux et des genévriers,
               en protégeant son visage des griffures de leurs feuilles effilées et piquantes, il remarqua que la
               terre avait été fraîchement retournée en profondeur. Non par des ramasseurs de champignons,
               mais probablement par des sangliers en quête de racines, de glands ou de faines.


               Poursuivant sa route, il accéda enfin à une sente dégagée, où le sol jonché de pommes de pins,
               de ramures cassées et de feuilles de chênes échancrées, formait un tapis brun quelque peu
               détrempé.  Il pénétra ensuite dans un sous-bois de sapins et de bruyères. Et là, ses espoirs
               furent rapidement récompensés.

               Des champignons, comme s’il en pleuvait, n’attendaient plus que ses petites mains pour être
               cueillis. En peu de temps, son panier fut à moitié rempli de girolles très prisées en Provence,
               cuisinées avec un simple filet d’huile d’olive et des sommités de thym, ou en poêlée à l’ail et
               au persil.


               Il continua à avancer pas à pas, balayant les lieux d’un regard attentif, entre des pins et des
               arbousiers. Progressant  parfois à quatre pattes  malgré un terrain boueux, il scrutait chaque
               centimètre carré sous des bouquets de bruyères, les genoux souillés, à l’affût du moindre
               champignon.





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