Page 197 - tmp
P. 197
-Ma doué, on dirait le corral d’un ranch ! dit Fanch.
-Nous ne pouvons même plus approcher la voiture de la maison pour sortir les
courses, ajouta Bernadette.
-Comment feront les pompiers ou le médecin en cas d’urgence ? se plaignit Soaz.
L’état de santé de Ronan n’ira pas en s’améliorant, ça m’inquiète !
Lucie, elle, ne disait rien mais elle ne dormait plus. Cette situation la minait. Elle ne
comprenait pas comment on en était arrivés là. Au temps de sa jeunesse, quinze
enfants ainsi que leurs parents vivaient dans l’impasse en bonne intelligence. Ils
n’étaient plus que sept adultes et l’ambiance était pourtant devenue insupportable.
Telle était donc la situation ce matin du vendredi 13.
Après une nouvelle nuit d’insomnie, Lucie avait besoin de se changer les idées. Elle
sortit à vélo et prit la direction de Larvor.
Elle marcha un long moment sur la plage, activité qui lui permettait toujours de
réfléchir et de prendre des décisions, ramassa quelques bigorneaux dans un petit
coin qu’elle gardait secret et termina par son bain quotidien. Puis elle se dirigea vers
un chemin creux qui longeait le Ster, elle savait pouvoir y trouver des mûres et des
prunelles qui lui serviraient à parfumer un petit « lambig » dont elle gardait
jalousement la recette héritée de sa grand-mère. Passant devant un champ elle
aperçut des petits champignons dont sa grand-mère lui avait appris les effets, elle en
cueillit une petite quantité.
De retour dans l’impasse, elle déposa le panier de champignons sur le rebord de la
fenêtre, rangea le reste de sa cueillette, déjeuna d’une salade et de quelques
langoustines puis alla s’allonger pour se reposer un peu.
Le soleil brillait lorsqu’elle se réveilla de sa courte sieste, sur la fenêtre, la quantité de
champignons avait diminué ainsi qu’elle l’avait prévu en les y déposant. Comme
chaque jour depuis le décès de son mari, elle partit pour une petite marche : elle
longea la côte en direction du Goudoul au large duquel elle avait répandu les
cendres de son cher Yves dont c’était le coin de pêche au bar préféré lors de coup
de vent de sud-ouest. Elle aimait aller s’asseoir et lui « parler ». Elle se remémorait
les épisodes de leur vie ou l’informait des problèmes de l’impasse. L’odeur d’iode et
le bruit du ressac avaient un effet lénifiant sur la tristesse qui ne la quittait pas depuis
son veuvage.
Après un léger repas : omelette aux champignons (qu’elle avait « empruntés » à
Lucie) et fraises de Plougastel, Francine quant à elle, avait hésité entre une séance
de bronzage seins nus et l’alimentation de ses réseaux sociaux en selfies et autres
photos de son plus récent repas dans un restaurant gastronomique de Bénodet. Elle
avait opté pour le bronzage et, montant dans sa voiture (que Fanch appelait «la
voiture type de la snob parisienne ») s’était rendue à Kersaux.
5