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Cet état de choc dura quelques temps pendant lesquels Francine passa à l’offensive.

               Un matin, Fanch, revenant de la promenade sur le port par laquelle il commençait
               chacune de ses journées eut la surprise de voir un camion, au milieu de la cour. Le
               chauffeur ainsi qu’un autre homme en sortaient une grande quantité de planches et
               de nombreux autres matériaux en tous genres.

               -Qu’est-ce qu’elle fabrique encore ? demanda Bernadette à Lucie alors qu’elles
               jardinaient un peu, tentant de réparer les récents dégâts occasionnés par leur
               voisine.

               -Aucune idée, de sa part le pire est à craindre.


               -Je vous entend les deux pécores !!! cria Benoit qui les écoutait par la fenêtre de sa
               cuisine.

               Les deux amies, inquiètes de ce que tramait Francine n’osèrent cependant plus
               parler sachant que leurs paroles seraient rapportées, amplifiées et déformées par
               Benoit que Lucie avait rebaptisé « Kidig » car, comme un petit chien, il suivait sa
               maîtresse et lui obéissait avec adoration.

               Ce fut Soazig qui leur apprit la nouvelle en rentrant du marché. Depuis l’époque où,
               fillette, elle remontait la rue principale (qui ne s’appelait pas encore rue Jean Jaurès)
               pour aller à l’école, Soaz avait toujours mis un point d’honneur à être au courant de
               la moindre rumeur, du moindre évènement, de tout ce qui se passait dans le village.
               Elle passa tout d’abord chez Lucie pour lui en parler puis elles filèrent rapidement
               chez Fanch et Bernadette partager l’information : Francine allait clôturer le terrain
               autour de sa maison et construire un « dèque » (quoi que cela puisse être).

               -Un « daic », qu’est-ce que c’est ça encore ? demanda Fanch alors qu’il leur servait
               un petit « remontant ». Gast ! celle-là nous en fait voir…

               -Clôturer quel terrain ? s’inquiéta Lucie dont le penty était le plus proche de chez
               Francine. La cour est à tout le monde, rien n’a jamais été morcelé…


               Très inquiets, les voisins ne parvenaient pas à trouver de réponses à leurs questions.

               Quelques jours plus tard, constatant qu’ils n’osaient plus parler dans la cour de peur
               d’être écoutés, voire injuriés, Lucie prit l’initiative :

               -Rende-vous chez moi, j’ai du nouveau ! dit-elle à ses amis. Ma petite fille m’a
               expliqué ce qu’est un deck et ce n’est pas rassurant.

               En effet, le moral était au plus bas lorsqu’ils se séparèrent ce soir-là. Cela ne
               s’améliora pas au fil des travaux : la maison de Francine était désormais entourée
               d’une palissade qui lui permettait de s’octroyer la jouissance exclusive de la majorité
               de la surface de la cour. Quant au deck, il semblait totalement incongru dans cette
               petite cour au charme désormais disparu.


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