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Francine en conclut qu’elle se moquait d’elle également et lui fit instantanément
rejoindre « la Soazig » dans le camp de ses ennemis personnels.
-Ce type est un sale pervers avec ses petits yeux de fouine ! Il passe son temps à
m’observer derrière ses vitres. Il espère certainement me voir nue ce vieux bouc, dit-
elle un matin à Lucie, la plus âgée des occupants de la cour alors que celle-ci partait
au port acheter son poisson quotidien.
-Quel type ? demanda Lucie qui n’avait pas écouté très attentivement, occupée
qu’elle était à déterminer si elle devait acheter des langoustines ou plutôt des
palourdes pour le repas du soir.
-Ronan, le mari de la Soazig…il faut dire que sa femme est une vieille peau très
moche, je dois le faire baver d’envie.
-Excusez-moi Francine répondit Lucie mais ce n’est pas possible qu’il vous épie. Ca
n’a jamais été son genre, même avant sa maladie d’Alzheimer. Il a toujours été très
attaché à Soaz et désormais, il passe ses journées dans son fauteuil devant la
fenêtre, les yeux dans le vide, c’est tout. Il ne parle plus et ne s’intéresse plus à rien.
Soaz me disait qu’à certains moments il a du mal à savoir qui elle est.
-Sénile peut-être, cochon libidineux c’est sûr ! Vous savez Lucie, les hommes m’ont
toujours trouvée superbe. Toute ma vie ils m’ont poursuivie de leurs assiduités. Vous
ne pouvez pas comprendre, cela n’a pas du être votre cas, ajouta Francine sans se
soucier de ce que ses paroles pouvaient avoir de désobligeant pour sa voisine.
Lucie, qui n’était veuve que depuis quelques mois et dont le mariage et la vie
familiale avaient été particulièrement heureux ne se formalisa pas. Elle avait
tendance à ne voir que le bon côté des gens. Yves, son mari lui avait pourtant dit,
peu de temps après l’arrivée de Francine dans la cour, que la « vieille belle » risquait
bien d’être une perturbatrice malveillante au sein de leur petit monde paisible.
-Je suis sûre que Ronan passe son temps à me surveiller, affirma Francine un jour
qu’elle croisait Fanch, le mari de Bernadette, qui sortait du « Café du port ».
-Je ne suis pas certain qu’il s’intéresse à toi, répondit celui-ci d’un air guilleret. Il
venait de partager un apéritif et des souvenirs d’enfance avec quelques copains et
n’était pas certain de s’intéresser aux problèmes de Francine.
Celle-ci rentra très contrariée chez elle.
-Je commence à en avoir assez de ces vieux tarés, grinça-t-elle avec acrimonie en
racontant la scène à Benoit, son dernier amant en date. Toutes les vieilles me
jalousent parce que leurs maris me désirent, dit-elle en étalant une seconde couche
de crème antirides sur son visage. Et ceux-ci m’en veulent car je suis insensible à
leurs avances.
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