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tombait le lendemain du vendredi 13 où il devait frapper.

            Dès le mois de septembre 2014, il dragua Mathilde. En octobre, ils étaient amants. Mathilde, une
            jeune femme très sentimentale, était vraiment éprise. Alan jouait parfaitement le jeu de l’amoureux.

            Leur couple semblait solide et faisait des envieux parmi leurs amis. Après les fêtes de fin d’année,
            ils parlaient de tenter la vie commune. Déjà, ils passaient toutes les nuits ensemble chez l’un ou

            chez l’autre, partageait leur temps libre, visitaient leurs parents respectifs ensemble. Et Alan
            envoyait plusieurs fois par jour des SMS « Tu M ? Je t’M ». Mathilde répondait systématiquement

            par des messages passionnés et souvent très érotiques.

            Le vendredi 13 février 2015, à 17h, Alan laissa un message sur la boîte vocale de sa compagne :
            « Mathilde, je ne t’aime pas. Je ne t’ai jamais aimé. Je ne veux plus jamais te revoir, tu me tapes sur

            le système ! Bonne Saint Valentin, pauvre cruche naïve ». Il lui envoya le même message par SMS.
            A 18h, il entendit sa porte s’ouvrir et il vit surgir une Mathilde déchaînée qui le gifla à toute volée,

            le traitant de pauvre type, de mufle et d’ordure. La tornade repartit aussi vite qu’elle était arrivée.
            Mathilde ne semblait pas disposée à mourir d’amour.



                   Alan était au bord du  désespoir. Non qu’il eût éprouvé une quelconque affection pour
            Mathilde, mais parce que même avec amour et préméditation, il ne parvenait pas à tuer.

            Par dérision, pour le vendredi 13 mars de la même année, exactement un mois après sa rupture, il

            imagina que l’arme de Cupidon serait parfaitement appropriée à sa situation. Il acheta un arc de
            chasse dans un magasin de sport, s’entraîna un peu dans le jardin de sa mère, et le jour J parvint, par

            un escalier de secours, à grimper sur le toit d’un des immeubles de la rue d’Estrées à Rennes. Une
            femme très élégante lui rappela Mathilde. Exceptionnellement, il laissa ses émotions le guider. Il

            visa soigneusement et décocha sa flèche. Laquelle se planta dans la tête de la jeune femme. Alan
            jubilait. Il s’empressa de descendre, l’arc bien caché dans un sac de sport. Dans la rue, rien. Pas

            d’attroupement, pas de pompier, pas d’ambulance.

            Plus loin, une femme refaisait son chignon, le bloquant avec la flèche qui, quelques minutes plus tôt,
            s’était brutalement fichée dans sa coiffure.

            Décidément, l’amour et ses attributs n’étaient pas des armes pour Alan.


                   Pendant les trois années qui suivirent, Alan prit du temps pour méditer sur le concept même
            de crime parfait, sans mobile, le crime gratuit pour lequel parfois l’occasion fait le larron, parfois le

            larron prémédite…  Il  était tenté par une opération d’envergure pour son  avant-dernière

            expérimentation : un assassinat collectif.
            Il réussit à se faire embaucher, sous une fausse identité par la société « Aux bons tuyaux » qui, bien

            connue à  Saint Malo, officiait dans la plomberie. Après quelques mois, comme il  l’espérait, il


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