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route et la poussa de toutes ses forces. La fille tomba sans un cri sur les rochers acérés. Alan eut le
temps d’apercevoir un filet de sang rouler le long de sa tempe. Il rentra par le chemin douanier au-
dessus de la grève.
La jeune fille, seulement assommée, fut secourue par un promeneur. Elle savait avoir été agressée
mais elle demeurait incapable de décrire son agresseur. Tout était allé beaucoup trop vite.
Alan eut beau parcourir les Ouest France des jours suivants et lire avec attention le Journal du
Trégor, il ne vit rien, pas une ligne sur l’agression gratuite qu’il avait commise.
Il y avait un troisième vendredi 13 en juillet cette année-là. Alan n’avait pas envie de
renouveler le crime par contact direct : trop d’improvisation, trop de risques. A vrai dire, il était un
peu découragé. A 17 ans, il en arrivait à ne plus voir dans son ambition que le caprice d’un gamin
contrarié. Changer de registre et d’échelle pourrait relancer sa motivation. Cette fois, il ne pouvait
pas échouer.
Puisqu’il était chez son père, une résidence pour personnes âgées à Perros-Guirec ferait
parfaitement l’affaire. La moitié des fenêtres de l’établissement assez chic donnaient sur un mur
presque blanc et aveugle, le pignon d’un ancien hôtel. Dès le 8 juillet, il glissa des flyers partout où
il pouvait dans la résidence : sous les portes, sur les tables basses des salons…. « Attention ! Le
vendredi 13 juillet, pour exceptionnellement vous tordre de rire, une surprise vous est réservée à la
fenêtre de votre chambre dès 23h », avec une photo de Bourvil et de De Funès dans le film » Le
Corniaud. »
Alan put projeter, sans encombre, les vingt premières minutes du film avec des rires enregistrés en
plus, car il voulait faire mourir de rire quelques résidents fragiles sur le plan cardiaque.
D’ailleurs, certains riaient à gorge déployée en revoyant la scène de l’accident de la 2 CV bleue de
Bourvil. Dès que la sirène de la police se fit entendre, tout s’éteignit. Les résidents hurlaient aux
fenêtres, ils voulaient voir tout le film, pour une fois qu’on s’amusait !
Alan eut beau écouter, aucune sirène d’ambulance ne vint troubler la tranquillité revenue…..
L’année de ses dix- neuf ans, Alan se sentait vieux. Il avait déjà essayé de faire mourir de
peur et de faire mourir de rire. Il avait tenté le poison versé dans une boisson ou inoculé, il avait
expérimenté l’arme à feu, la strangulation, la projection sur des rochers acérés…..rien n’avait
marché. Il n’était pas loin de se croire victime d’une malédiction.
Enfin, il eut une idée confinant presque au génie : faire mourir d’amour….
Chez ses amis Gus et Mousse, il avait repéré une très jolie fille, Mathilde, qui leur rendait
souvent visite. Alan avait remarqué que Mathilde le dévorait des yeux dès qu’il semblait regarder
ailleurs. La séduction serait probablement facile. Il devait tout organiser avant la Saint Valentin qui
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