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LOUISETTE
N° 19
« Que faut-il faire des trois petits prisonniers ?
–– Ah ! ces enfants ?
–– Oui.
–– Ils sont nos otages. »
Quatre-vingt-treize. VICTOR HUGO.
Il pleuvait ce jour-là lorsqu’elle s’est levée. « Ah ! au fait quel jour sommes-nous ? » se
dit-elle. « Vendredi 13 ?! Zut ! » Elle n’aimait pas les vendredis 13 qui lui réservaient
toujours des surprises.
À l’origine, un relent de ses souvenirs d’enfance des cours d’instruction religieuse où
elle n’avait déjà guère brillé et comme nulle part, en vérité. Un souvenir tenace, donc, à
cause d’un certain vendredi le treizième jour du mois de nissan débité doctement par
mademoiselle Jambou, laquelle prodiguait son mécanique savoir clérical à force signes
de croix – On est en Bretagne dévote, Jésus-Marie-Joseph ! Cette « vieille fille », leur
catéchiste, aimait répéter et répéter à en vomir pour les indifférents à la foi, que Jésus
avait été crucifié un tel vendredi, depuis commémoré saint, sous les yeux de sa mère,
mater dolorosa modèle éternel. En sus elle, La Louisette, comme tous l’appelaient en
appuyant usuellement sur « la », elle avait été mariée un vendredi treize – aucune règle
ni républicaine ni chrétienne ne l’interdisait et pourtant que c’était rarissime ! Ce jour-là
elle avait dû subir la présence d’« une des poules de mon fils » ! Tant qu’à faire c’est sa
belle-mère, qui l’en avait sournoisement, informée. On voulait « mettre les points sur
les i » et bien lui faire comprendre qu’elle ne comptait pas. Ne compterait jamais ! Puis
pour en revenir purement à pareils vendredis à numéro parfois chanceux et souvent au
contraire, et surtout la concernant, elle avait accouché… Je vous l’donne en mille : un
vendredi treize et d’une fille, pour le sacrément audible déplaisir du monde ! Et encore
d’une fille et à nouveau d’une fille… « Ma pauvre bru, vous ne saurez jamais faire un
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