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gars à mon fils ! Je le lui avais dit, que vous n’étiez qu’une bonne à rien ! » Amen et
                     clap de fin ! Au moins elle, elle avait un fils. CE fils. Un aîné, et deux filles.


                     Cela s’est-il réellement passé ? On prénommera simplement ce malheureux personnage

                     Louisette, parce que ce nom de baptême au suffixe affectueux reste fréquent dans les
                     campagnes  reculées, et  ce sera certainement l’unique témoignage d’affection que lui

                     octroya le destin, son destin, peu ses contemporains non sans cœur, toutefois relayant

                     facilement de gré à gré la méchante formule type, « Chacun sa mouise ! » En moins po-
                     pulaire,  « J’ai  déjà  mes  soucis ! »,  le  commun  du  peuple  ne  disant  pas  mouise,  ses

                     vocalises retentissant moins léchées. Signe précurseur de cette péripétie civilisatrice, la
                     louisette fut aussi le premier sobriquet de la « Veuve », du « Rasoir national », la guillo-

                     tine du nom d’Antoine Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie de chirurgie, en 1791,

                     l’homme qui mit au point la machine à exécuter, les bois de justice de la magistrature.


                     Louisette avait été unie pour le meilleur et pour le pire – citation, et dans la joie et dans
                     la peine, etcétéra – au printemps, à un mâle impersonnel en mal d’une femelle tout aussi

                     impersonnelle. Et sans prendre son avis préalable de mineure sauf le « oui » où il l’avait

                     fallu en dernier, à la mairie de Moëlan-sur-mer et en suivant à l’église paroissiale à deux
                     pas. On l’avait mariée ; une bouche de moins à nourrir et sa fratrie ni ne lui manqua ni

                     ne parut amoindrie en quantité davantage qu’en qualité, vu froidement de l’extérieur.
                     Une famille nombreuse dans une ferme isolée de Saint-Thurien qu’elle quitta le matin

                     de ses noces. Son futur, son promis le court laps de temps des bans ? Avouons qu’elle
                     n’aurait eu une raison de le connaître antérieurement aux piètres cérémonies des épou-

                     sailles, hormis lors d’une entrevue dans les formes organisée « chez la fiancée/bague

                     d’engagement en argent », pour éviter les malfaisants potins, des fois que… ?
                     En fait des fois que lui et seulement lui il aurait trouvé à redire sur son physique à la

                     vénusté, hum…
                     – Soyons indulgents !








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