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     avait couru. Il l’avait abandonnée, certes, mais uniquement parce qu’il y avait été contraint
               par le docteur Marquez.
               Comment osait-il ? Comment ce lâche osait-il ternir la mémoire d’un homme qui venait de
               passer à trépas et qui était donc incapable de se défendre ? Olivia sentit la colère et la haine
               reprendre le dessus sur elle.
               −Gladys a commencé à avoir des vues sur moi dès qu’elle nous a aperçus tous les deux. Je
               n’étais bien sûr que simple brancardier mais je me permettais d’envoyer balader à la
               hiérarchie à chaque occasion, et surtout j’étais le seul à tenir tête à son père. C’est, je crois, ce
               qui lui plaisait en moi… J’étais moins l’élu de son cœur qu’une arme pointée sur le docteur
               Marquez et destinée à le tenir en respect.
               Jasper n’était pas à un mensonge près pour se disculper ! Que valait la part de vérité d’un
               homme qui n’avait jamais su distinguer le vrai du faux ?
               −Gabriel Marquez a commencé à me menacer. Il était facile pour lui de faire renvoyer le
               brancardier que j’étais. Je n’avais d’autre choix que de lui obéir et d’exécuter ses ordres.
               Alors oui, j’ai mis les voiles pour un temps comme il le demandait et quelques mois plus tard,
               Gladys parvenait à ses fins…
               −À ses fins ?
               −Oui, elle m’a épousé ! Contre mon gré mais avec la bénédiction de son paternel ! Un comble,
               quand on y réfléchit ! Mais cette union ne fut jamais qu’un caprice de petite fille, fondé sur le
               malheur et voué à l’échec. Du début à la fin, c’est Gladys qui a tout manigancé. Je la
               soupçonne même d’avoir fait chanter son père obtenir ce qu’il ne lui aurait sinon jamais
               accordé.
               Olivia lui jeta un regard d’incrédulité dont il parut se vexer.
               −Mais il ne m'appartient pas de révéler d’autres vérités que les miennes. Des vérités dont
               l’accouchement risque d’être plus difficile encore. Va donc rendre une petite visite à Moira.
               Les accouchements, on peut dire que ça la connait...
               Jasper gribouilla l'adresse de la sage-femme sur un morceau de papier qu’il tendit à Olivia. Au
               moment de se quitter, chacun eut la même pensée, à savoir que l'autre était bien plus à
               plaindre qu’il ne pouvait l’imaginer.
               ***
               En ouvrant sa porte, Moira eut l'air stupéfaite et presque épouvantée de se retrouver face à
               celle qu'elle croyait, la veille, avoir condamnée à l'oubli. Une bonne fois pour toutes. Et voilà
               que le passé faisait retour pour réclamer son dû. Olivia pénétra dans l’appartement de Moira
               sans y être formellement invitée. L'aînée des sœurs Marquez, résignée, lui emboîta le pas. Elle
               avait enroulé sa volumineuse chevelure en un chignon piqué d'une grande épingle. Comme un
               fœtus au teint gris et blafard, recroquevillé sur lui-même.
               −Te rappelles-tu le jour où je t'ai agrippée par le bras ? fit la sage-femme d’un ton pensif.
               Olivia n'avait pas oublié. Moira lui avait carrément planté les ongles dans la chair. Jusqu'à y
               laisser des marques sanguinolentes. Olivia avait poussé un cri de douleur. Quelle mouche
               avait donc piqué cette amie d’ordinaire si placide et renfermée ? Une fille effacée, économe
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