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liberté.
Le visage de l'homme entrevu en entrant, s'imposa soudain dans son esprit. Était-ce
vraiment lui ? Il lui aurait suffit de traverser le couloir pour le savoir, mais elle s'en sentait incapable
pour le moment. Sa respiration se fit plus rapide et, en elle, se mit à monter une vague déferlante de
souvenirs enfouis. Elle ferma les yeux et secoua la tête. C'était vraiment trop d'émotions !
‒ « Repenses à tes vacances » se dit-elle...
Quatre jours de détente, rythmés par un bain de mer le matin, puis du canoë-kayak sur le
Goyen, la découverte pour Agathe et Anaïs de la plongée sous-marine à Audierne, et la descente de
l'Odet à Quimper, quelques repas, restaurants et crêperies, après l'apéro sur le Port-Rhu et pour
clôturer ces joyeuses journées, elles s'étaient éclatées le soir en boîte de nuit. Elles avaient eu
l'impression d'être de nouveau des ados, heureuses d'être ensemble, même si elle avait cru ressentir
chez Agathe une certaine réserve.
Le dernier après-midi, Anaïs s'étant absentée, les deux autres avaient décidées de rester
bronzer aux Sables-Blancs, parmi la cohue des Aoûtiens. Après un dernier bain de mer, Agathe lui
avait proposée d'aller déguster une pêche-melba, chez le glacier de la plage.
‒ « Je voudrais te parler avant ton départ demain » , avait-elle ajouté d'un ton grave.
Marion, étonnée, après avoir plié ses affaires, l'avait suivie. Attablées toutes les deux devant leur
dessert, elle avait observée son amie. Celle-ci, silencieuse, visiblement très gênée, tournait et
retournait sa petite cuillère dans la glace sans y toucher. Elle avait gardé les yeux baissés, sous sa
grande frange brune.
‒ « Tu n'aimes pas ? lui avait demandé Marion, moi je trouve ça délicieux ! »
Relevant la tête, Agathe, d'une voix tremblante, lui avait dit :
‒ « Écoute moi... »
Marion avait enlevé ses lunettes de soleil, posée sa petite cuillère et répondu :
‒ « OK ! Vas-y! »
‒ « Bon, tu sais que je divorce, c'est pour cela que je suis revenue à Douarnenez. Je vis
momentanément chez mes parents, en attendant de trouver un autre logement. J'ai de la
chance, j'ai trouvé du travail dans une banque et Antoine ira à la crèche »
Son ton était un peu haché, et parfois elle hésitait sur les mots. Tout en dégustant sa pêche-melba,
Marion l'écoutait, attentive, surprise par son émotion. Après s’être contrainte à avaler quelques
cuillères, son amie repris son récit :
‒ « J'avais demandé à Anaïs de garder le secret ... C'est pour cela que tu l'a trouvée si évasive
sur ma vie et mon absence. Je ne voulais pas que tu apprennes par elle qui était mon mari. »
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